Bonne élève

 » Je vais progresser. Ma vie ne s’atrophiera pas comme celle de tant d’autres. Talent gâché dirait maman. » Celle qui martèle cette injonction de réussite comme un mantra est une Argentine exilée en Angleterre, sortie d’un cursus d’Histoire de l’art, désespérément tendue vers une position de chercheuse ou de chargée de cours. Logée de façon excentrée pour économiser l’héritage paternel, la narratrice creuse la distance avec une mère qu’elle voit comme une épée de Damoclès menaçant sa tentative laborieuse de carrière anglaise. Impitoyable avec tout le monde, à commencer par elle-même, luttant contre l’échéance qui la forcerait à rentrer au pays, elle voit s’accumuler les fins de non-recevoir face à ses candidatures et à celles de Mihalis, un voisin grec en situation encore plus instable qu’elle. Sur qui pourrait-elle compter, quand elle n’a aucun réseau à part Anna? Peut-on qualifier d’amie celle avec qui elle entretient une relation d’assujettissement plus toxique que bénéfique, entre jalousie et imitation, l’imaginant la guider jusque dans les situations les plus pathétiquement intimes? Dans ce premier roman agité, aussi dérangeant qu’ignivore, Paula Porroni crée avec radicalité  » un paysage glacial de mots » tout en dressant le constat d’une jeunesse ultra-éduquée mais en perdition, s’obstinant à briller quand tout se craquèle. Se rongeant littéralement jusqu’au sang quand la bataille pour l’excellence s’est déjà fracassée de trop nombreuses fois contre le mur de la honte. Les déclassés ne sont pas toujours là où on les attend mais traînent leur spleen dans des intérieurs médiocres où les rideaux seront toujours en nylon.

De Paula Porroni, traduit de l’espagnol (Argentine), par Marianne Millon, éditions Notabilia, 160 pages.

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