La saison 3 de Bones, une des séries phares de la Fox, sort en DVD. Visite sur le tournage very british d’un feuilleton américain à la recette très simple, et dont la popularité ne s’érode pas.

Question: qu’est-ce qui différencie les Américains des Européens? Réponse: à première vue, c’est le gobelet en carton (Starbucks ou Second Cup) que les premiers ont greffé à la main quand ils déambulent dans la rue. Dans ce quartier de La City, à Londres, où Bones tourne quelques scènes du double épisode pilote de sa quatrième saison, les « publicistes » de la Fox sirotent leur café en trottant: les blondes attachées de presse ont bien mérité leur dose de caféine, elles baladent des tonnes de journalistes (britanniques, américains, japonais…) sur les plateaux de tournage depuis quelques jours. C’est que la saison 3 de Bones sort bientôt en DVD, et qu’il faut compter sur la presse pour la vendre. Les groupes de journalistes succèdent aux groupes de journalistes. Et les héros de Bones Emily Deschanel et David Boreanaz, très pros, à l’américaine, adressent à chacun un « Hi, How are you? » assorti d’un sourire ultra-bright, ressassent les même anecdotes sur la météo anglaise qui leur convient plutôt bien – il fait caniculaire, en cette fin du mois de juin, on se croirait presque dans leur biotope, L.A.

Ils ont fait le déplacement de l’autre côté de l’Atlantique parce que dans la série, le Dr Temperance Brennan (surnommée Bones, puisqu’elle a fait de l’étude des os sa spécialité) donne une conférence à l’université d’Oxford. Un périple qui conduira le tandem Bones (l’anthropologue judiciaire) et Booth (l’agent du FBI) à collaborer avec Scotland Yard pour résoudre le meurtre d’une starlette anglaise. Dans ce pilote, les britishs boivent des litres de thé, sont coiffés comme Elisabeth II, ne se départissent jamais de leur flegme… Un long épisode qui est en fait un prétexte à une visite touristique dans la capitale britannique: on y enquête des berges de la Tamise à Big Ben en passant par les grilles de Buckingham Palace, où on fera subir un interrogatoire en règle à des Queen’s Guard en uniforme.

Tension sexuelle

Les serial killers (comme celui qui a sous-tendu toute la saison 3, dans laquelle Bones et Booth ont résolu une poignée de crimes annexes) c’est fini. « C’était trop difficile, l’histoire en toile de fond était trop compliquée. Ça ne m’intéresse pas de la reprendre dans cette saison, et je suis certain que vous non plus », confie le réalisateur d’origine britannique Ian Toynton, devant un faux Gentleman’s club. Ce qui va tenir les fans en haleine désormais? L’amour. On verra Bones et Booth au lit, « dans une situation sexuelle! », rigole le réalisateur. Il faudra être habile: tout le monde sait que quand le public a ce qu’il veut (dans ce cas-ci, il attend que les héros couchent ensemble depuis 4 ans), sexuellement parlant, son intérêt s’émousse immédiatement. Le principe de l’orgasme. Tout l’art des auteurs de séries étant donc d’actionner les boutons de l’audience avec doigté. « On pense à ça tout le temps, poursuit Ian Toynton. On se demande comment garder deux personnes séparées d’une manière qui ne tourne pas le public en bourrique, lui qui demande justement qu’elles soient ensemble. »

« Peut-être que dans la saison 4, on prendra la liberté de faire un épisode « fantasmé », explique le comédien David Boreanaz. Ils coucheraient ensemble en rêve ou quelque chose du style… Là, on pourrait enfin donner au public ce qu’il attend. » Donner au public ce qu’il réclame. Voilà l’une des clés du succès d’un feuilleton à la popularité jamais démentie (les audiences moyennes sont même passées de 8,9 à 9,9 millions de téléspectateurs sur la Fox depuis le début) quand d’autres se cassent les dents après deux épisodes.

Ce que le public semble vouloir, ce sont des séries sans fil rouge, dont on peut regarder les épisodes dans l’ordre ou le désordre, manquer trois semaines et puis reprendre le cours du récit. Lost et Heroes perdent des plumes chaque semaine, tandis que The Mentalist, Les Experts, NCIS et Cie explosent chaque fois un peu plus. Ces derniers n’alignent toutefois pas les récompenses sur leur cheminée, et la critique à la dent dure envers eux… « Qu’importe!, commente le producteur exécutif de Bones, Stephen Nathan, depuis Los Angeles. L’award, le vrai, c’est le plébiscite quotidien du public. De toute façon, les « crime shows » (basés sur la résolution d’enquête, ndlr) amusants n’attirent pas les donneurs d’awards ». La pérennité de sa série, Stephen Nathan la doit « à la chimie entre les deux comédiens, David et Emily, qui traduisent à merveille une tension sexuelle qui plaît aux gens. A l’alliance entre science et comédie. A notre très bon groupe d’auteurs. » Et à une héroïne renfermée, née dans l’imagination de l’anthropologue judiciaire et romancière Kathy Reichs. « Les héros asociaux comme Bones et House reflètent les changements de comportement. Ils nous renvoient à ce que nous sommes, et se montrent émotifs et émouvants. »

Une recette imparable pour plaire au plus grand nombre. Cet après-midi de juin, dans ce Londres de carte postale, même les journalistes se transforment en groupies, mitraillant de loin une Emily Deschanel qui n’a pas souhaité les rencontrer, et riant à gorge déployée aux blagues de David Boreanaz. Ils rentrent au pays repus d’une nouvelle fabuleusement excitante: leurs héros se retrouveront au lit, et pas dans des lits jumeaux. l

Reportage Myriam Leroy

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