Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

La case de l’oncle Bob – Bob James, inventeur du smooth jazz, compilé dans le meilleur de ses ouvres délicieusement soporifiques est aussi l’un des artistes les plus samplés par le hip hop…

« The Very Best Of » (double CD)

Distribué par Pias. On va d’emblée prendre un exemple concret: Night On A Bald Mountain, en troisième position sur le premier CD. L’intro avec guitares wah-wah Shaft et cuivres pressés s’embarque dans une galopade orchestrale qui s’interrompt pour filer le parfait amour avec un piano clignant de l’£il. Le titre entamé façon film d’action passe alors à une novela mexicaine, maquillée de cuivres qui se trémoussent et de piano… jazz. C’est le truc de Bob James (1939): faire du jazz mais dans la catégorie des softeurs sonores, transformant tout rythme ayant un lointain ancêtre de La Nouvelle-Orléans, en pouliche de la grande Muzak américaine. Capable d’être entendue – plus qu’écoutée – dans tout bon ascenseur, salle d’attente de dentiste, centre de thalasso, parloir de prison, piscine et autre mall US. A de rares exceptions près ( Sparkling New York), la musique est instrumentale. A de plus rares exceptions encore (la fin du second CD), grâce au sax et aux claviers anesthésiants, elle ne groove pas d’un cheveu. Ce style-là, si pas inventé, tout au moins affûté par James, est aussi ricain que le Kentucky Fried Chicken et les blagues écrites des talk-shows télés.

ni choquer, ni déranger

L’écoute des vingt-six plages du Very Best Of constitue d’ailleurs un fascinant guide d’ethno-sociologie sur les Etats-Unis, principalement ceux du mitan des années 70 à la fin de la décennie suivante. Via des titres comme Westchester Lady – manne de percus agitées sur trompette câline – ou Ensenada Madness – lascivité présumée latino – défile une Amérique hygiénique, enamourée, paisible, confortable, incroyablement rassurante. En cela, Bob James est un prestidigitateur remarquable qui applique un principe immuable: sa musique ne doit ni choquer, ni déranger. Chez lui, un solo de guitare (sur Angela, thème-tube de la série Taxi) est un manifeste anti-hendrixien: faudrait surtout pas le remarquer. Et ce, même si le second des deux CD présente un titre live quasi funky ( Touchdown) et un peu plus de muscle que la molle pop jazz du premier tome! Etonnant donc qu’une masse de rappers aient samplé le Bob: ainsi Nautilus – tube de 1974 qui ouvre le disque – a eu les faveurs d’Eric B. & Rakim, Run DMC, Jeru The Damaja et Ghostface Killah, tous ayant craqué pour son fabuleux coup de mou! Bob se fait rarement violence, bien que dans Blue Lick, l’intro soit un pouet pouet de synthé qu’on ne peut pas ne pas remarquer. Les moins de trois ans adorent. Même si le public de Bob est généralement plus mûr. Bob est d’ailleurs numéro 1 dans les maisons de retraite de Floride. Le seul problème, vraiment, c’est quand le disque s’arrête. Il fait tellement partie du décor sonore ambiant, qu’on risque de louper la fin. Faut toujours se méfier des gens aux doubles prénoms: écouter Bob, c’est adopter James!

www.bobjames.com

Philippe Cornet

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