Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Rap’n’Roll – Quand les Black Keys invitent le gratin du rap, cela donne une fusion des genres particulièrement juteuse.

« Blakroc »

Distribué par V2.

De tout temps, le rock et le rap ont entretenu des relations tumultueuses. Une sorte d’amour-haine qui les a autant amenés à fricoter ensemble qu’à se toiser. Avec le projet Blakroc, place à la première option, le grand raout £cuménique. Et autant l’écrire d’emblée, il est épatant.

A l’origine de l’aventure, on trouve les Black Keys. Soit le chanteur/guitariste Dan Auerbach et le batteur/ producteur Patrick Carney, duo de blancs-becs experts en blues-rock juteux. Comme d’habitude, le menu privilégie la gastronomie à l’ancienne, soul food à base de riffs gras et de groove frémissant. Cette fois, au moment de dresser la table, les Black Keys ont cependant rajouté des couverts pour inviter une série de rappeurs. Ce n’est qu’à moitié étonnant: déjà, sur leur précédent Attack & Release (2008) produit par Danger Mouse, le duo avait glissé des éléments hip hop, par petites touches. A croire que cela leur a donné l’envie de pousser plus loin l’expérience.

Fines gâchettes

La liste des participants est impressionnante. Aidés par Damon Mash, co-fondateur avec Jay-Z du label Roc-A-Fella – qu’il quittera en 2004 -, les Black Keys ont confectionné un casting cinq étoiles. Au générique de ce Blakroc, défilent ni plus ni moins que Ludacris, Mos Def, Q-Tip, RZA, Raekwon, Pharoahe Monch, Jim Jones… Ne manque plus que le roi Jay-Z justement? Pas de problème, le nouveau-venu Noe fera plus que l’affaire, frappant de mimétisme sur le titre Hard Times. Au moment de lancer les échanges, une règle est fixée: pas de sample, que des instruments et des voix « live » (seule « exception », la contribution post-mortem de feu Ol’ Dirty Bastard sur Coochie). Aux Black Keys donc de balancer le riff qui va tourner, de faire mijoter le groove sur lequel les rappeurs vont pouvoir se lâcher.

Evidemment, rassembler autant de fines gâchettes n’est pas forcément une garantie de réussite. Pourtant la sauce prend dès l’entame. C’est le titre Coochie et sa batterie éléphantesque, suivi de On The Vista, beat élastique et glissando électrique, sur lequel Mos Def (photo) se promène avec toute la félinité qu’on lui connaît. Les membres du Wu Tang (RZA et Raekwon) sont particulièrement à la fête, leur grain vocal rocailleux s’alliant parfaitement au blues-rock poisseux des Black Keys.

Au final, le projet Blakroc a cette grande qualité: ne jamais chercher la performance à tout prix, le gimmick pour le gimmick. Réalisé à la cool, le disque a souvent la fraîcheur et la spontanéité d’un b£uf entre musiciens, capté sur le vif. Le pari n’était pourtant pas gagné, et jusqu’au bout, les Black Keys restent fidèles à leur cahier des charges. Pas question de demi-mesure. Malgré cette exigence, rien ici n’apparaît cependant forcé ou affecté. C’est peut-être cela la vraie définition d’une fusion des genres. Le type d’exercice qui est d’autant plus intéressant qu’il se fait invisible.

Laurent Hoebrechts

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