Black star

Joséphine Baker: des pas qui viennent du temps de l'esclavage et accompagnent toute une vie... © DR

Paul Poiret l’a habillée. Georges Simenon est devenu son secrétaire et son amant. Colette lui a écrit des lettres. Et Picasso l’appelait  » la Néfertiti de son époque« . Tout le monde connaît son pagne de bananes, ses seins dénudés et son jeu de jambes légendaire. Mais on oublie parfois que Joséphine Baker fut la première star noire internationale de l’Histoire. Qu’elle a incarné la femme libre et engagée et s’est investie dans la Résistance (transportant des plans tracés à l’encre invisible) et la lutte pour les droits civiques. C’est tout ça, et le reste, que raconte le passionnant documentaire d’Ilana Navaro. Joséphine l’Indigène et l’Américaine, le clown et la séductrice, la raffinée et l’instinctive. L’amour, les milliers de déclarations enflammées et les centaines de demandes en mariage qu’elle a reçues. La haine sans retenue aussi. À Vienne notamment, où les cloches ont sonné pour annoncer l’arrivée de cette femme noire sans pudeur.

Née le 3 juin 1906 à Saint-Louis, dans le Missouri, Joséphine commence à travailler dès l’âge de sept ans chez de riches Blancs. Vie de chien. Traitement inhumain. Ses maîtres vont jusqu’à lui plonger les mains dans l’eau bouillante parce qu’elle a cassé des assiettes… À treize ans seulement, elle s’enfuit avec une troupe de théâtre itinérante et découvre un New York qui s’encanaille au son de la musique noire. Trop petite, trop maigre, trop noire, elle commence comme costumière mais se retrouve vite sur scène à Broadway. Ses grimaces font mouche. Le public s’esclaffe. Et le Paris des années folles n’en croira pas ses yeux. Pendant l’entre-deux-guerres, l’empire colonial et le milieu mondain français se découvrent une fascination paternaliste pour les cultures primitives, notamment africaines. À la fois la plus drôle et la plus sexy de la troupe, Baker devient vite la star de La Revue nègre créée en 1925, un spectacle lié à l’émergence du jazz dans la capitale hexagonale. Et si Baker incarne « la sauvage », elle invente une manière bien à elle d’occuper cette place dérangeante, se nourrit des fantasmes et les transfigure.

Originaire d’Istanbul, Parisienne d’adoption ayant étudié la sociologie à New York, Ilana Navaro réussit le portrait intelligent d’une femme incroyable, sortie de la misère pour s’inventer danseuse, comique, chanteuse, actrice et qui a fait de sa célébrité un outil de combat contre l’injustice. Une femme qui a incarné le rire, le désir, la liberté avec en elle, sous-jacent, le sort des siens de l’autre côté de l’Atlantique…

Joséphine Baker, première icône noire

Documentaire d’Ilana Navaro.

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