Influencé par toutes les musiques noires d’Afrique et d’ailleurs, Anthony Joseph exorcisera Esperanzah!. Portrait du Bird Head Son…

Il a le flow. Il a le groove. Mais il a beau avoir sorti avec Bird Head Son (un album funk, soul, slam aux rythmes africains) la bande originale idéale de la diaspora noire, Anthony Joseph est un poète. En 2004, le jongleur de mots a d’ailleurs été sélectionné par le Conseil des arts d’Angleterre pour une photo historique réunissant les 50 écrivains noirs et asiatiques apportant une contribution majeure à la littérature contemporaine britannique. En 2005, il est même devenu le premier poète du British Council en résidence à l’université de Californie.

Le charismatique quadra installé depuis 20 ans en Angleterre a publié deux recueils de ses écrits dans les années 90: Desafinado et Teragaton. Il a sorti un album de spoken word, Liquid Textology, en 2005. Il a même écrit un roman de science-fiction afro, The African Origins of UFOs, dans lequel il imagine des ovnis pilotés par des Africains à la recherche des terres de leurs ancêtres.

« C’est un roman expérimental, rythmique et funky qui voyage dans le temps, résume-t-il dans un hôtel de Tourcoing peu avant son concert au Grand Mix. C’est en ayant l’idée d’en déclamer des extraits accompagné par un bassiste, un percussionniste et un joueur de djembe que je suis revenu à la musique. »

Anthony Joseph naît à Trinidad et grandit dans la ville de Mont Lambert, élevé par ses grands-parents. Un charpentier, strict, old school, porté sur la discipline . « Du genre: fais pas ci, fais pas ça. Rentre tôt. Coupe-toi les cheveux… » Et une femme très douce, « une vraie gentlewoman », mais qui ne laisse pas la génitrice de son petit-fils pénétrer dans la maison familiale. A l’époque, il voit son père, installé à Tobago, une fois par an.

 » J’étais un enfant timide, introverti, réservé, qui s’enfermait dans la poésie et la musique. La radio était continuellement allumée et on avait des vieux disques de jazz, de calypso. Puis, mes grands-parents allaient régulièrement à l’église baptiste. J’adorais les cris, les chants. Cette espèce de transe hypnotique. J’ai découvert plus tard Jimi Hendrix, James Brown et Fela… » En 1989, Anthony décide de quitter l’île des Caraïbes et part s’installer en Angleterre. « Je n’ai pas choisi Londres. C’est Londres qui m’a choisi. Je pensais à priori aux Etats-Unis mais il était très compliqué dans les années 80 d’obtenir un visa pour les USA. Trinidad souffrait de la récession. Tout le monde essayait de se barrer. Il fallait être marié, avoir des enfants et du pognon de côté pour se tirer… »

Sur les conseils d’une Anglaise, le jeune célibataire débarque en Grande-Bretagne. « Londres, c’est évidemment un choc mais Trinidad est une ancienne colonie du Royaume-Uni. Je connaissais donc sa famille royale, son Buckingham Palace, sa musique… »

Enfant sacré

Anthony bosse dans un Daily. Puis dans un Tower Records. Au début des années 90, il fonde Zedd. Un groupe de rock dans la lignée des Bad Brains et de Living Colour. Quand son band se sépare, il met momentanément la musique entre parenthèses et se focalise sur la poésie.

Il revient aux affaires en 2007 avec la sortie de Leggo De Lion. L’album ne fait pas de vague en Angleterre. Fonctionne un peu mieux en France… « Mon manager, Antoine, a toujours pensé qu’il servirait à nous installer. Il a vu sur le long terme. C’est la seule personne que j’ai rencontrée dans le business de la musique en qui je puisse avoir confiance. »

Même s’il n’y avait pas un chat pour leur exceptionnel concert à l’AB en juin, le deuxième album d’Anthony Joseph et de son Spasm Band a tout pour convaincre. D’une efficacité diabolique, autobiographique, il raconte sa vie, son enfance à Trinidad. « J’ai 42 ans. J’ai passé la moitié de mon existence au pied de Big Ben. L’autre moitié là-bas. Je suis presque devenu anglais maintenant. Je me suis dit que c’était le bon moment de renouer avec mes racines. »

De se plonger dans ses vieux souvenirs . « Je pense que nous sommes vraiment nous à l’enfance. Parce que l’enfant n’a pas encore abandonné. Parce qu’il continue de rêver. Les adultes ont déjà gâché une partie de leur existence. Ils savent comment va la vie. Les tout petits sont joyeux, heureux, innocents. Mais entre 4 et 8 ans, tu apprends la perte, la douleur, le bien, le mal… Ton caractère se forme. C’est vers 8 ou 10 berges que nous sommes les plus vrais. C’est à cet âge que j’ai commencé à écrire. »

Bird Head Son (Le fils de tête d’oiseau) est sorti en début d’année. Son titre fait écho au surnom du père d’Anthony et à sa toute petite tête. Il a été enregistré en deux jours à Meudon, dans les Hauts de Seine, en compagnie de Keziah Jones et de Joseph Bowie. « J’ai toujours été fan de Keziah. Il a les vibes. La musique. Avant lui, nous n’avions pas de guitariste. Ni le sentiment d’en avoir besoin. Depuis qu’il nous a accompagnés un beau soir, je ne peux plus m’imaginer sans gratte. » Nous, on ne peut plus se passer d’Anthony Joseph.

Bird Head Son, chez Pias.

www.myspace.com/adjoseph

Texte Julien Broquet

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