De Jean-Philippe Guerand, éditions Robert Laffont, 592 pages.

Une filmographie à rallonges, une « gueule » et une voix identifiables entre toutes: Bernard Blier compte parmi les incontournables du cinéma français, catégorie seconds rôles, souvent, mais non exclusivement, et capable d’imposer sa silhouette bonhomme (encore que) dans les registres les plus divers, du drame à la comédie. Vingt ans après sa disparition, le journaliste Jean-Philippe Guerand entreprend de lui consacrer sa première biographie complète, vaste ouvrage dont le titre emprunte à l’une de ses répliques cultes d’un film ne l’étant pas moins, Les tontons flingueurs « J’vais lui montrer qui c’est Raoul. Aux quat’ coins de Paris qu’on va l’retrouver, éparpillé, par petits bouts, façon puzzle. »

Pour appréhender un parcours hors normes, l’auteur s’en tient à une stricte chronologie, abondamment documentée. Itinéraire peu banal, assurément, que celui d’un Bernard Blier formé à l’école Jouvet, avant d’embrasser théâtre et cinéma avec gourmandise – quoi de plus naturel, pour un homme dont l’amour de la bonne chère était légendaire, mais qui présente toutefois une personnalité plus complexe qu’il n’y paraît, son caractère bien trempé n’en étant jamais que l’un des traits les plus marquants.

S’agissant de son parcours, son fils Bertrand, avec qui il tourna Calmos et autre Buffet froid, a ce commentaire: « Je trouve que Bernard Blier n’a pas toujours été très bien utilisé au cinéma. J’ai été souvent catastrophé par le genre de rôles qu’on lui confiait. Ou bien il s’agissait de ganaches en bras de chemise et bretelles au vent, ou alors de truands et de durs. » D’où, peut-être, cette reconnaissance relative, encore que sa filmographie parle pour lui, où s’alignent des perles pour Carné, Clouzot, Duvivier, Lautner, Yanne, Richard, Corneau, et on en passe… C’est dire aussi l’intérêt d’un ouvrage qui arpente cinquante ans de cinéma français (avec des détours par l’Italie, et des films pour Monicelli, Comencini et d’autres), à l’exception notable d’une Nouvelle Vague qui ne voulut pas de lui – ce qu’il lui rendit bien d’ailleurs, l’homme ayant la rancune tenace.

J.F. PL.

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