Vanessa Paradis sort un Best Of alors que Susan Boyle – la révélation souillon de Britain’s Got Talent – propose son premier album. Quel rapport? Sans leur physique, elles n’existent pas.

La Boyle story? Chanteuse amateur depuis l’enfance, cette late quadra écossaise stupéfie le public britannique au printemps 2009 en participant au très médiatique show tv Britain’s Got Talent. Elle emmène au ciel 10 millions de téléspectateurs via une version grandiloquente de I Dreamed A Dream (1) et provoque le même taux de stupéfaction par son allure « ingrate ». Le qualificatif – version diplomatique de laideron – désigne une femme née en 1961, qui paraît 10 ans de plus, dont la coiffure – un bouquet grisonnant – et la robe – qui semble taillée dans des rideaux de salon chargé – feraient aisément passer Margaret Thatcher pour Christina Aguilera. Le choc vient bien de la différence: une voix d’archange d’une beauté océanique, et un look plus un physique tellement démodés qu’ils ne peuvent être qu’un clin d’£il magistral à la Grande-Bretagne fauchée d’après-guerre… La suite est triomphale: la seule vidéo de son apparition TV sur YouTube provoque un tsunami qui en est aujourd’hui à 79 millions de visions…(2) Sept mois plus tard, le premier album de Miss Boyle frémit de 12 reprises, arrangées dans le pathos, mais quand même douées (cf. le Wild Horses des Stones). Entretemps, Susan est passée chez les relookeurs qui l’ont photoshoppée avec une salvatrice touche de netteté. La négligée d’avril ressemble désormais à la femme d’un notaire de province des années 50. L’album bat les records de commande sur Amazon.com et peut sembler un encouragement au talent (vocal) plutôt qu’au triomphe des apparences: ce qui dopera les vilains petits canards du monde entier. Tout en sachant que Susan est tellement loin des canons actuels – comme Beth de Gossip – qu’elle en devient monstrueusement attractive. Il ne faut pas sous-estimer le désir du public de vouloir provoquer l’exception – par curiosité, charité ou voyeurisme – en choisissant un(e) outsider. Cela ne signifie nullement qu’il en fera une généralité ou que la perception de la beautéchange dans une société où l’image de la femme mode est toujours constituée, à 95 %, de modèles jeunes, minces et jolies.

Double miroir

Vanessa Paradis, colibri de la chanson depuis Joe le taxi en 1987, fait partie des belles. Disons, des mignonnes. Pourtant, à 37 ans, Paradis gère un physique qui, à l’exception d’une poitrine garçonne, est assez éloigné du prototype top-model: petite, menue, enfantine, des globes oculaires assez prononcés, des joues creusées, de généreuses dents de devant et une voix de caneton. Mais elle possède deux avantages: elle a du succès depuis… toujours et a épousé une authentique star hollywoodienne, Johnny Depp, un des plus beaux mecs en circulation (paraît-il). Vanessa bénéficie de ce double miroir de la gloire médiatique: quand on la regarde, on y voit autant sa silhouette que les accessoires de sa vie, richesse, notoriété, épanouissement. Des parfums forts qui aident, beaucoup, à enivrer notre perception de la beauté. Susan Boyle ne dira pas le contraire.

(1) extrait de la comédie musicale Les misérables.

(2) mais 60 millions de personnes ont regardé la vidéo de Connie Talbot, 6 ans, autre participante à Britain’s Got Talent.

u vanessa Paradis, Best Of, chez Universal.

u susan Boyle, I Dreamed A Dream, chez Sony.

LA CHRONIQUE DE PHILIPPE CORNET

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