Belle baroudeuse

Égérie de l’avant-garde new-yorkaise des années 70 et 80, Cookie Mueller a brûlé la vie comme personne et la raconte avec appétence.

Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noire

DE Cookie Mueller, ÉDITIONS Finitude, traduit de l’anglais (États-Unis) par Romaric Vinet-Kammerer, 192 pages.

8

« La nuit où Max est né, les chiens errants rôdaient en meute. La lune avait tourné rouge sang. Les clébards affamés hurlaient vers elle en proie à une convoitise sauvage. D’un autre monde. Moi je souffrais dans la salle de travail de l’hôpital de Hyannis. Pour être exact, on ne peut pas dire qu’il s’agissait d’une simple souffrance. Non. Il s’agissait d’un type de souffrance que l’esprit éradiquera de la mémoire d’une femme pour préserver sa santé mentale: intenable, impitoyable, hideuse, effroyable, atroce. J’ai tout subi: déchirures intestinales, torsion des trompes, laminage des organes, broyage musculaire et pulvérisation des os. Jamais la terre n’a porté plus grande martyre. Même Prométhée ne connut pas un tel supplice. »

Vous ne connaissez peut-être pas encore le nom de Cookie Mueller. Grâce aux éditions Finitude, vous allez découvrir les tribulations d’une dame du genre fantasque. L’écrivain Gary Indiana voyait en elle une « fille de feu« . Son traducteur Romaric Vinet-Kammerer, lui, la présente comme une « aventurière« , une « muse et raconteuse d’histoires« . Née en 1949 dans le Maryland, la jeune Cookie ne tarde pas à prendre la poudre d’escampette, à slalomer entre Baltimore et San Francisco. Elle commence par tourner dans quelques films cultes et déjantés de John Waters avant de rallier New York. Où elle gagne sa vie grâce au go-go dancing et au trafic de drogue tout en posant devant l’objectif de grands photographes tels que Robert Mapplethorpe et Nan Goldin.

Sens du tragique

Les textes autobiographiques qui composent Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noire racontent une existence aussi intense qu’excessive. La demoiselle n’est pas du genre à avoir peur de quoi que ce soit. à 15 ans, elle a déjà deux amants dont l’un fréquente assidûment un hôpital psychiatrique. Ses jupes sont aussi courtes que moulantes. Le LSD, elle n’a rien contre, bien au contraire. Le lecteur l’accompagne à un concert de Grateful Dead donné à la prison de San Quentin et lorsqu’elle va voir Jim Morrison se produire à Berkeley. Il lui arrive même de s’installer pendant plusieurs mois dans une ferme de Pennsylvanie. Chez Herb, un drôle de type qui ressemble « à une sorte de Robert Mitchum jeune et blond » et qui finira par se faire arrêter pour avoir cultivé de la marijuana. Incapable de tenir en place, elle peut parfaitement faire du stop pour se rendre jusqu’à Orlando et acheter le lendemain un billet d’avion afin de regagner Baltimore!

Cookie Mueller a un sens évident du détail et du tragique. Une plume à la vivacité sans cesse réjouissante. Elle excelle aussi bien à évoquer les « trouducs » qui cherchent à abuser d’elle et de ses amies Mink et Susan que la naissance de son fils Max dans la salle de travail de l’hôpital de Hyannis. Sans oublier la manière dont elle a réduit en cendres par erreur la maison d’un ami! Avec elle, promis, pas le temps de s’ennuyer!

Alexandre Fillon

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content