Fer de lance de la scène lo-fi et du rock branleur au début des années 90, Pavement ressuscite armé d’un best of. Le groupe s’arrête à l’AB avant un petit tour par les Ardentes. Récit d’une anti success story.

Le 20 novembre 1999, à Londres, lors d’un concert dans les murs de la mythique Brixton Academy, Stephen Malkmus s’accroche au pied de son micro avec une paire de menottes.  » Elles symbolisent l’appartenance à un groupe« , lance le perdant magnifique, provocateur et théâtral. Steve West, son acolyte, aura beau admettre n’avoir jamais reçu un appel « officiel » actant la séparation qu’il aurait apprise sur Internet.  » Pavement prend sa retraite pour 1. Fonder des familles 2. Courir le monde en bateau 3. Entrer dans l’industrie informatique 4. Danser 5. Attirer l’attention« , peut-on lire 2 semaines plus tard dans les colonnes du NME. Drôle de mort pour un drôle de groupe à la drôle de trajectoire.

Pavement naît en 1989 quand Stephen Malkmus, étudiant en histoire à l’université de Stockton (Californie), et son pote Scott Kannberg décident de fonder un label, Treble Kicker, et d’enregistrer un 45 tours. En studio, les lascars rencontrent le batteur Gary Young, un ex-hippie de 15 ans leur aîné rongé par l’acide. Ils mettent en boîte 2 morceaux ( » Cet idiot de Malkmus est un génie du songwriting« , aurait déclaré l’ingérable Young) et en seraient sans doute restés là si Mark Ibold, un fan, bassiste, installé en Virginie, n’avait pris l’initiative de les contacter.

Magnifique accident de l’histoire. Pavement sort en 1992 son premier album: l’anarchique Slanted and Enchanted. Un joyeux bordel marqué par l’influence de Sonic Youth et de The Fall. Mais aussi par des mélodies accrocheuses et la voix de branleur, mi-parlée mi-chantée, de Malkmus.  » I was dressed up for success. But success it never comes. » Les paroles d’ Here ont quelque chose de prémonitoire tant Pavement restera boudé par le grand public malgré un talent inimitable quand il s’agit de trousser des pop songs dissonantes.

 » Il n’y a plus beaucoup de groupes comme nous aujourd’hui, remarquait récemment SM dans le magazine Mojo. A l’image des Happy Mondays, nous n’étions pas particulièrement beaux. Nous ne savions pas chanter. Et nous ne savions pas jouer.  »

Totalement imprévisible, Gary Young est remplacé en 1993 par Steve West, gardien du Whitney Museum of American Art comme Malkmus et Berman. Pavement semble avec Crooked Rain Crooked Rain, plus accessible, s’orienter vers un certain professionnalisme et le single Cut your Hair se classe dans le top ten mais le mainstream n’est pas pour autant au bout du tunnel. Malkmus et Nastanovich participent à l’enregistrement du premier Silver Jews. Et en 1995, alors que Young sort Hospital sur la pochette duquel il fait le poirier accroché à la gouttière d’une maison, Stephen and co sabotent le succès qui leur est promis avec l’insaisissable Wowee Zowee.  » D’une certaine manière, on a participé à l’esprit do it yourself, déclarait un jour Malkmus. Cette façon de dire merde au business et à tout ce qui est commercial, de refuser la vision capitaliste de la musique. Cette façon dont un groupe doit se comporter… On a su rester vrai, underground. »

Nonchalance cool

S’il incarne quelque part le son des années 90, si Blur a enregistré Song 2 en hommage à Bob Nastanovich, Pavement a toujours été un leader du souterrain plus qu’une next Next Big Thing. Il a aussi toujours véhiculé une image cool et décalée. Cette glandouille et la désinvolture propre au mouvement slacker auquel Douglas Coupland consacrera plusieurs de ses livres.

Pour tout dire, les 2 semaines qu’il vient de passer à Portland afin de préparer son actuelle tournée ont presque quelque chose d’inhabituel. Pavement n’a jamais vraiment répété. Pavement a toujours simplement, et tout à son honneur, refusé de grandir.

En 1997, signe de cette immaturité chronique, Stereo, imparable et bancal extrait de son quatrième album, Brighten the corners, évoque un groupe qui entend pour la première fois son disque passer à la radio. Malgré cette inépuisable candeur et l’éclatement de ses musiciens qui vivent aux 4 coins des Etats-Unis, ne se retrouvant que pour enregistrer et tourner, des petites rivalités se mettent à miner le groupe de l’intérieur et ses membres se laissent petit à petit happer par d’autres projets.

Premier symptôme inquiétant en avril 1999. Malkmus refuse de chanter au festival Coachella et le concert de Pavement se transforme pratiquement en set acoustique. Terror Twilight boucle une discographie impeccable. Pavement donne encore un dernier concert chez nous (le 2 juillet de la même année à Werchter).

Terminus. Tout le monde descend. Malkmus rebondit avec ses Jicks aussi vite que Frank Black après la séparation des Pixies. Scott Kannberg fonde Preston School of industry. Et tandis que Nastanovich assouvit sa passion pour les chevaux, devient agent de jockeys et manager de tournées, Mark Ibold travaille au Great Jones Cafe, un restaurant new-yorkais réputé pour ses chicken wings.

 » Tout le monde dans le groupe souhaitait vraiment cette reformation, commentait encore Malkmus dans Mojo. Pour l’instant, on peut toujours proposer du rock. Faire cracher les amplis et sauter. Ce dont sont aussi encore capables nos fans. Mais le temps était compté.  » Le come-back n’aurait pu tomber à un moment plus opportun. En plein revival nineties. Le concert de l’AB affichait complet en moins de 2 heures. l

u Pavement, Quarantine the past, Domino. zzzz

u Le 18/05 à l’Ancienne Belgique (complet) et le 08/07 aux Ardentes (Liège).

Texte Julien Broquet

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