Le hip-hop, le r’n’b et leurs cousins se font rares à la télé, qui se la joue intello.

Il y a toujours eu des jugements de valeur catégoriques à propos de la musique. Les sentences du style « c’est de la merde » ou « c’est génial » ne sont pas rares. Les autres disciplines artistiques semblent davantage échapper à ces verdicts tranchés. Les arts plastiques, par exemple: avec eux, on prend davantage de pincettes, on utilise la nuance: « Tel courant ne me touche pas »… On s’en réfère à Kant qui dit que le beau est plus un sentiment en l’homme que la propriété d’une chose. Et on évite d’asséner, à la massue, qu’une £uvre est à garder ou à jeter. Pourquoi ce traitement différencié de la musique? Difficile à dire. Peut-être parce qu’elle est la première branche artistique à laquelle l’humain est confronté dès l’aube de sa vie: sa mère lui chante des comptines, il tape sur des xylophones… Alors l’Homme pense détenir là-bas plus qu’ailleurs un certain niveau d’expertise.

LA PRESSE EST UNANIME

Quoi qu’il en soit, il apparaît de plus en plus clairement qu’il existe chez nous une hiérarchie de valeur dans la musique, un échelonnement de la qualité. Et que le genre mineur, celui qui fait rire de lui, c’est le r’n’b, le hip-hop, tout ce qu’on désigne par black music. La télévision généraliste porte les symptômes les plus marqués de ce dédain: la black music y entame une sérieuse traversée du désert. Elle y est devenue persona non grata depuis quelques mois. Les chanteuses à grandes créoles et les rappeurs à baggy sont priés d’aller se secouer ailleurs: ils ne sont plus invités sur les plateaux (le rappeur Soprano poussait à ce sujet un coup de gueule auprès de nos confrères de la DH. Son analyse du phénomène: le hip-hop n’est pas la culture des puissants de l’audiovisuel). Même la Star Ac’ s’en est détournée lors de sa dernière saison. Pour se donner de la crédibilité, paraît-il. Et qu’il valait mieux miser sur le rock et ses cousins pop et folk. Non seulement le pari a été perdu, mais en plus la mesure a paru quelque peu vexatoire aux yeux des adeptes du dancehall, 2-step et autres crunk’n’b. Du côté de la Nouvelle Star, même topo. Faut du cuir, de l’odeur d’aisselles et du cheveu long. Peu importe la chanson, il faut qu’elle nous noie sous les riffs. Les candidats sortent une reprise d’ Highway to hell d’AC/DC en single, et lors des primes gémissent du U2 et gueulent My sharona. Les jurés sont en liesse, la presse est unanime… mais c’est l’hémorragie de téléspectateurs. L’intelligentsia adhère au rock, mais c’est le r’n’b qui se vend par camions.

Il y a 50 ans, la musique du peuple, que l’élite méprisait, c’était le rock, Elvis the Pelvis et Cie… Alors pas de panique, fans de chansons qui s’adressent au bassin plutôt qu’au cortex, et qui vous sentez brimés, l’histoire est un éternel recommencement, non?

LA CHRONIQUE DE MYRIAM LEROY

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