Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Beat Generation Kerouac, Ginsberg, Burroughs

DOCUMENTAIRE DE JEAN-JACQUES LEBEL ET XAVIER VILLETARD.

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Portés par une irrépressible envie de rébellion sociale et littéraire, Jack Kerouac (Sur La Route), champion de football américain fils d’imprimeur qui s’enfonce dans la lecture à la suite d’une blessure, Allen Ginsberg (Howl), rejeton de juifs communistes, et William S. Burroughs (Le Festin Nu), enfant de bourgeois diplômé en littérature anglaise, ont à l’aube des années 50 révolutionné l’écriture qu’ils voulaient libre, rythmée, quasi automatique, jeté les bases de la contre-culture et inventé la Beat Generation.

Kerouac emploie pour la première fois le terme afin de décrire son cercle d’amis. Venu de l’argot, Beat signifie fatigué, cassé mais évoque aussi la béatitude (il est franco-canadien, a d’ailleurs écrit sa première version de Sur La Route en français pour que sa mère bigote et homophobe n’y comprenne rien) et le son du jazz qu’il affectionne tant. Les trois hommes se rencontrent à New York à la fin de la Seconde Guerre mondiale. S’aiment. S’engueulent. Se réconcilient. Et s’écrivent à tout bout de champ.

Passionnant, le documentaire de Jean-Jacques Lebel et Xavier Villetard raconte les relations mouvementées entre ces trois potes en quête d’absolu, anticonformistes qui défendaient la liberté stylistique et sexuelle, usaient et abusaient des drogues, rejetaient le matérialisme et les standards de leur époque. Il explore aussi forcément les grandes heures d’un courant qui a à la fois changé la face de l’art et celle du monde.

Entre road portrait et documentaire épistolaire

Les mouvements de mai 68, l’opposition à la guerre du Vietnam, Tom Waits ou Bob Dylan n’auraient jamais été les mêmes sans la Beat Generation. L’auteur de ce documentaire en sait quelque chose. Artiste plasticien, performeur et écrivain, fils d’un critique d’art ami de Marcel Duchamp, Jean-Jacques Lebel connaît son sujet sur le bout des doigts. Lebel fut le relais de la Beat Generation en France. Traduisant et publiant dans les années 60 les écrits de William Burroughs, d’Allen Ginsberg et de Gregory Corso. En 90, Ginsberg lui demande de l’interviewer afin de développer quelques idées. Cet entretien de six heures, réduit à quatre, sert de colonne vertébrale à l’exposition Beat Generation/Allen Ginsberg, prolongée jusqu’au 6 janvier au Centre Pompidou/Metz et dont Lebel est commissaire. Il étaye aussi ce programme aujourd’hui diffusé par Arte. Tourné dans un style underground des années 50 (« Hollywood les faisait vomir« ), ce road portrait, documentaire épistolaire de 52 minutes, se laisse avant tout guider par les correspondances qu’entretenaient les trois écrivains, voyage de New York à San Francisco en passant par Tanger, s’attarde sur le séjour de Ginsberg et Burroughs à Paris et leur visite à Louis-Ferdinand Céline… Plongée en apnée dans l’un des courants les plus subversifs de la littérature américaine.

JULIEN BROQUET

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