ENTERTAINER ACCRO AUX EXPLOSIONS XXL, MICHAEL BAY PREND PRÉTEXTE D’UNE RÉCENTE ATTAQUE TERRORISTE EN LIBYE POUR FAIRE PÉTER LA GUERRE FAÇON JEU VIDÉO SUR GRAND ÉCRAN.

Bad Boys, The Rock, Armageddon, Pearl Harbor, Transformers… La liste des blockbusters maousses gavés d’effets spéciaux réalisés par Michael Bay est longue comme le bras mutant d’un Autobot. Chacun remplissant peu ou prou le même cahier des charges, moyennement enclin à la nuance. A savoir, un mélange détonant d’action grand spectacle et d’émotion facile consommable seau de pop-corn géant à la main. Marque de fabrique à ce point identifiable qu’elle a donné naissance à sa propre dénomination: le « Bayhem » (« mayhem » renvoyant en anglais à l’idée de chaos, de grande pagaille).

Un style en soi, donc, que l’intéressé, la petite cinquantaine au compteur, s’évertue tant bien que mal à prolonger jusqu’en interview, où son désir de marquer le coup, façon révélations supposément explosives, est plutôt du genre tangible. Tentative parmi d’autres, à propos de la BO d’Armageddon: « Independence Day déboulait dans les salles juste comme on achevait de tourner Armageddon, il y a près de 20 ans.Et je me souviens d’avoir impulsivement attrapé mon téléphone pour appeler mon producteur, Jerry Bruckheimer, qui était à la gym: « Les types d’Independence Day sortent un album de la musique de leur film, et nous on n’a que dalle. Il nous faut un album! » Jerry m’a simplement répondu: « Je te rappelle. » Le dimanche suivant, tous les mecs d’Aerosmith étaient assis dans son bureau. » Bam! Anecdote garantie 100 % ricaine, donc, acides gras saturés en option, et débitée avec le sérieux papal qui caractérise l’ami Michael, complètement raccord avec son look inimitable d’aviateur de la vieille école sûr de son fait.

Prose combat

Flash-back. Gamin, le Californien, déjà passionné de cinéma, a la bonne idée d’accrocher des pétards au derrière de son train électrique, filme la chose avec la caméra 8mm familiale et… fout le feu à sa chambre, obligeant ses parents à appeler les pompiers. Petits moyens, grands effets: le kid a de l’avenir. Ado, il fait un stage chez George Lucas et voit passer le story-board de ce qui deviendra Les Aventuriers de l’arche perdue de Spielberg. Convaincu que le film va être un désastre, il est bluffé à sa vision, et en fait le serment sur le champ: il sera réalisateur, comme Steven.

Trente-cinq ans plus tard, il est devenu LA référence incontournable en matière de pyrotechnie et de gigaproductions à même de tout casser au box-office international. Mais, dans la foulée de 13 Hours, son nouveau film, Bay prétend pourtant qu’il connaît la crise comme tout le monde. « Il devient difficile de monter des projets, même aux Etats-Unis où les studios ne veulent désormais plus financer que de très petites productions ou d’énormes blockbusters, la voie du milieu tendant purement et simplement à disparaître. Moi qui ai fait une volée de films pour la Paramount avec des budgets phénoménaux, je peux vous dire que j’ai par exemple solidement galéré pour financer 13 Hours (50 millions de dollars de budget, soit trois fois moins que pour un Pearl Harbor, quatre fois moins que pour le dernier Transformers, NDLR). J’ai littéralement dû les supplier pour qu’ils m’octroient les dix derniers millions dont j’avais besoin.  »

Certes. On aurait toutefois tendance à ne pas trop s’inquiéter non plus pour le garçon, qui traîne par ailleurs une réputation de véritable tyran sur les plateaux. Film d’action musclé s’inspirant de la fameuse attaque terroriste d’un camp de l’armée américaine et d’une agence de la CIA à Benghazi, en Libye, le 11 septembre 2012, soit onze ans jour pour jour après les attentats que l’on sait, le produit fini a en effet tout sauf l’apparence fauchée. Avec sa fascination très borderline pour les corps musclés et transpirants, les bagnoles, les armes et la chose guerrière au sens large, ses démonstrations massives de virilité et d’héroïsme, sa survalorisation des attaches familiales, son esthétique quasi publicitaire et ses considérations « politiques » à l’emporte-pièce, 13 Hours est quoi qu’il en soit, et à n’en pas douter, hollywoodien jusqu’au fond du slip de combat, à l’instar de son réalisateur, qui y roule des mécaniques sans jamais lésiner sur le sirop sentimental.

L’objet manque indéniablement de goût, donc, mais surtout pas de savoir-faire, Bay n’en finissant pas d’y exposer l’étendue de son efficacité bulletproof. « Je tourne très rapidement. De la manière la plus optimale possible. Je suis quelqu’un qui visualise tout à l’intérieur de sa tête. Je n’ai pas vraiment besoin de story-board. Je travaille avec mes images mentales. » Logique, somme toute, s’agissant de celui à propos duquel Spielberg, encore lui, a dit un jour qu’il était le meilleur oeil de Hollywood en termes de pure adrénaline visuelle. Ce que semble vouloir confirmer la mise en scène hyper nerveuse, voire viscérale, de 13 Hours, où Bay, cinéaste définitivement aussi précis dans ses cadrages que grande gueule au naturel, fait notamment preuve d’une vraie gestion de la tension. « Quand je filme, je sais exactement de quoi j’ai besoin. Multiplier les prises, les alternatives, n’est selon moi qu’une perte de temps. En un sens, je monte déjà quand je tourne. Même s’il m’arrive d’avoir de bonnes surprises durant le montage. Notamment du côté de l’interprétation. Les acteurs, en effet, vous offrent parfois une émotion que vous n’aviez pas anticipée. Mais c’est à peu près tout. »

13 HOURS: THE SECRET SOLDIERS OF BENGHAZI. DE MICHAEL BAY. AVEC JOHN KRASINSKI, JAMES BADGE DALE, DAVID COSTABILE. 2 H 24. SORTIE: 30/03.

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RENCONTRE Nicolas Clément, À Deauville

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