Bashung s’est éteint des suites d’un cancer aux poumons. Le « dernier des géants » était âgé de 61 ans.

1983, Bas(c)hung parle de son opus Play Blessures, grand album et flop commercial, réalisé avec Serge Gainsbourg. Le chanteur est alors auréolé de cette sorte de gloire qu’on attribue aux rescapés de la défaite. Trois ans auparavant, il a enfin décroché un hit – l’imparable Gaby oh Gaby – après une décennie et demi de galères, d’improbables tournées dans les bases américaines, de singles sans succès et d’apparitions insolites. Dont une interprétation de Robespierre dans l’opéra-rock La Révolution française. Titre historique qu’on pourrait maintenant lui attribuer pour mérites artistiques prolongés. Vingt ans après ce premier contact, on retrouve le Bashung, près de Paris, suite à un concert fabuleux d’inventivité, buvant des litres de café pour oublier l’alcool qu’il a décidé d’arrêter. Clopant abondamment. Etonnamment disponible à cette heure de la nuit où les chats – et les rockers, souvent – sont déjà gris. Bashung n’avait pas seulement la classe musicale, il était aussi d’une timidité singulière, contrastant avec une attitude scénique empreinte de son indéfectible amour pour le rock’n’roll de Gene Vincent et de Presley. D’où peut-être l’épidémie de cuir et de lunettes noires ayant parcouru sa carrière. Trajet singulier où il invente le rock en France à la sortie d’un premier album – Roman photos en 1977 – et ne cesse de chercher de nouvelles formes à ses chansons remarquablement tuyautées par des paroliers insulaires, comme Boris Bergman et Jean Fauque. Enregistrant souvent ses albums aux studios bruxellois ICP, jouant régulièrement avec des musiciens belges, Bashung a réalisé douze disques solos qui forment une £uvre narrative audacieuse, en rupture avec tous les conservatismes. Au-delà des moments de brillance absolue, dont le dernier Bleu pétrole fait assurément partie, cet homme attachant, d’une élégance rare – y compris dans la maladie – a mené une carrière aussi importante que celle de Brel ou de Ferré. Bashung avait énormément d’ envergure, de talent, de voix, de présence et il nous manquera, durablement. l

Voir aussi l’article dans Le Vif/L’Express, page 91.

Ph.C.

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