Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

SUR SON PREMIER ALBUM, L’AUSTRALIENNE JULIE JACKLIN COURT COMME LE LAPIN D’ALICE DERRIÈRE LE TEMPS QUI PASSE, AVEC UNE COLLECTION DE CHANSONS COUNTRY-FOLK.

Julia Jacklin

« Don’t Let the Kids Win »

DISTRIBUÉ PAR TRANSGRESSIVE RECORDS/PIAS. EN CONCERT LE 30/10, À L’ANCIENNE BELGIQUE À BRUXELLES.

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Sa bio le confirme: Julia Jacklin, 25 ans, a bien grandi du côté de Blue Mountains, à quelque 130 kilomètres de Sydney, Australie. Et non pas du côté des Blue Ridge Mountains, dans les Appalaches, aux Etats-Unis. C’est qu’à l’écoute du premier album de la jeune femme, il pourrait y avoir confusion: Don’t Let the Kids Win a tous les atours du disque indie-folk made in USA. Sans que cela ne l’empêche, cependant, de faire vibrer une corde toute personnelle.

Il paraît que Julia Jacklin a eu le déclic à l’âge de dix ans, lors de vacances en famille, en regardant un documentaire sur la vie de Britney Spears… « A 12 ans, elle avait déjà réalisé un tas de choses. Je me souviens avoir pensé, « Shit, qu’est-ce que j’ai fait de ma vie? Je n’ai encore rien accompli ». » Dès son retour à la maison, elle demandera à sa mère de l’inscrire à des cours de chant…

Le sentiment d’urgence semble être le principal moteur de la jeune femme: surtout ne pas passer à côté des choses. Au bout de quatre ans d’études (politiques sociales à l’université de Sydney) à se dire que sa véritable vocation est la musique, Julia Jacklin se fixe donc une deadline: avant ses 25 ans, elle aura réalisé son premier disque. Elle commence alors à bosser à l’usine pour économiser de quoi se payer des heures de studio. Au bout de sa journée de travail, elle se penche sur les chansons qui constitueront Don’t Let the Kids Win. Forcément, elle doute un peu. Dans Motherland, elle chante notamment: « These new lines on my face/spell out ‘girl, pick up your pace’/if you want to stay true/to what your younger self would do« . « Accélère le tempo, si tu veux rester fidèle aux ambitions de ta jeunesse ». De la nécessité de parfois se botter les fesses pour arriver à ce que l’on veut.Ou simplement réussir à être soi-même.

Le style est important: en l’occurrence, Julia Jacklin emprunte ses tournures de phrases à la grammaire americana, passant d’un mélo country (Pool Party) à une folk indie dépouillée (Elizabeth, LA Dream), ne négligeant pas l’une ou l’autre secousse plus énervée (Coming of Age). Mais la manière d’incarner le format, de le faire sien, est plus cruciale encore. Cela a pu prendre du temps. « Quand vous grandissez en écoutant beaucoup de musique folk, vous avez tendance à penser que vous devez chanter des morceaux qui parlent de montagnes, de rivières, de rochers et toutes ces choses qui n’ont pas forcément beaucoup de signification pour vous. Mais j’ai commencé à écouter des artistes qui prennent soin d’injecter un peu d’humour dans leur musique et cela m’a paru tout de suite plus naturel. » Aux jolis mots romantiques, Jacklin préfère donc les traits d’ironie et l’autodérision, cette autre politesse du désespoir. Pour mieux supporter les amours déçus (« Next time I’ll get the train alone« ,se résigne-t-elle sur Same Airport). Mais plus encore -on y revient-, pour accepter le temps qui passe, qui fait tout à coup de vous un adulte (Coming of Age) et accélère toujours un peu plus sa course. « Et j’ai bien l’impression que cela ne changera jamais« , conclut-elle en toute fin de disque: »We’re gonna keep on getting older/It’s gonna keep on feeling strange« . La vieillesse, cette folie…

LAURENT HOEBRECHTS

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