Un prodigieux documentaire témoigne de la folle aventure que fut le tournage d’ Apocalypse Now.

Le titre, déjà, laisse augurer du contenu. Hearts Of Darkness: A filmmaker’s Apocalypse nous fait plonger dans l’enfer (excitant) qu’est devenu très vite le tournage du film de Coppola. Fax Bahr et George Hickenlooper, les réalisateurs de ce formidable documentaire, sont venus le présenter au Festival de Cannes 1991. Là-même où, douze ans plus tôt, Apocalypse Now avait remporté la Palme d’Or. Ce fut un événement, tant les images réunies dans le film avaient de quoi fasciner. Certaines sont des prises inédites, évacuées du montage final par Coppola. D’autres sont des essais non concluants, des répétitions, des images « volées » d’avant et après prise. Beaucoup ont été filmées par Eleanor Coppola, la femme du cinéaste, qui recueillait la matière propre à éditer un « making of » évidemment plus conventionnel. S’ajoutent quelques enregistrements audio de conversations entre Francis et Eleanor, réalisés par elle à l’insu de son mari!

La chronique qui se déroule sous nos yeux passablement ébahis détaille un à un les obstacles se dressant sur la route de Coppola et de son équipe. Elle donne la parole à ceux qui doutent, qui hésitent, qui se révoltent, et qui ont peur parfois. Elle trace surtout, de Coppola lui-même, un portrait captivant de démiurge mégalomane niant parfois la réalité, mais aussi d’artiste dévoué à la réussite d’une entreprise aussi folle que risquée. Ses colères sont mémorables, et un moment d’anthologie survient lorsqu’à la suite de l’accident cardiaque de Martin Sheen, et des rumeurs qui risquent de se répandre à ce sujet, il coupe court à toute divulgation officielle en assénant que personne ne peut mourir sur son tournage tant qu’il n’en a pas décidé lui-même… Instant hallucinant, démentiel, et en même temps poignant, car nous avons vu Sheen en pleine défaillance physique, avec dans les yeux la terreur de ceux qui pensent peut-être ne pas revenir dans le monde des vivants.

D’autres séquences marquent la mémoire, comme celles où Coppola confie à sa femme qu’il se sent complètement perdu, qu’il a l’impression de faire un mauvais film. Un découragement passager, heureusement, et on ne peut qu’admirer l’énergie du cinéaste repartant au « combat », jusqu’à la limite de ses forces et de celles d’un entourage n’ayant plus qu’un seul désir, celui d’en avoir fini…

L.D.

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