Dans L’homme du monde, le fils Higelin défend un grand trip d’utopie dansante. Corps affolés, funk soudé et chansons sous extase: le cocktail, jouissif et naturel, forme un drôle de pop-art.

Cela devait être en 1990. A la question génétique:  » Est-il difficile d’être le fils de Jacques Higelin?« , le fripon au look de Gainsbourg Jr, répondait:  » C’est plus facile que de tomber du septième étage! » Déjà plein de bon sens, le natif de l’année 1966 est devenu, dix albums plus tard, un artiste-trapéziste reconnu. Proposant un cirque d’influences dans une langue française décorée comme un combattant du futur. Ou, au choix, un arbre de Noël. Musique belle, bizarre, allumée, musique à bouger: Arthur brûle quelques feux rouges supplémentaires du conformisme dans L’homme du monde sorti avant l’été. C’est limite comme dans The Goddess Of Love & The Bizness Men (sic), proto disco dénonçant la société de consommation ou, plus strange encore, Dancing With Madonna, ode à la vie bombardée de sequenceurs eighties méritant une condamnation à mort de la brigade du goût. Mais Arthur s’en fout, il groove avec son body language. Guide sélectif du petit Arthur appliqué…

1 Cosmonaute père et fils?

Dans cette nouvelle chanson, il y a quelque chose de très intime. Mon père était vraiment cosmonaute et moi-même, je le suis devenu. Tous les deux, on essaie de voyager dans des territoires non encore explorés: mon père m’a soumis un désir de liberté et celui de sentir que la norme est vraiment oppressante. Il m’a donné le désir de respirer et de sortir des putains de sentiers battus.

2 Lien avec le père?

A un moment, j’ai eu besoin de me confronter de manière très directe à mon père et comme on est tous les deux des hommes de chansons, je nous ai écrit une chanson pour que l’on se regarde les yeux dans les yeux! C’est Le destin du voyageur sur Adieu tristesse. On l’a faite deux fois sur scène et c’était assez déstabilisant parce qu’il y avait une émotion qui nous secouait dans tous les sens. Cela a été de l’ordre de la réconciliation: en tout cas, je sais que cela nous a libérés.

3 Famille, je vous aime?

Oui. Mais mon père avait l’impression qu’une vie artistique réussie était quasi impossible à mélanger avec une vie familiale réussie! Et je l’ai longtemps cru, moi aussi. Maintenant que j’ai trois enfants, je m’aperçois que c’est compatible. C’est même ce qui est le plus intéressant dans la vie. J’aime mélanger le non mélangeable. Je viens d’une famille qui évolue volontiers en-dehors du système social. Les valeurs de mes parents étaient simplement des valeurs humanistes. Sans religiosité à part que mon père, effectivement, était assez hippie quand j’étais petit. Donc, le côté psychédélique était présent dans un rapport très innocent au cosmos, à la Terre. J’ai été imprégné de cela mais c’était naturel, pas de l’ordre de la religion.

4 Dancing With Madonna?

C’est une chanson très actuelle d’un type qui rentre chez lui après une lourde journée de stress et de boulot. Il allume la télé et voit toutes ces créatures lascives et sublimes et puis il veut les toucher, les sentir et hurler son désir (il rit), finissant par danser avec Madonna. Qui joue en prenant le nom de la Sainte Vierge et en étant une allumeuse… On en revient toujours à la maman et la putain. Je dirais que L’homme du monde est un disque pop-art, comme les coloriages de photos de célébrités d’Andy Warhol…

5 Le rapport au corps?

J’ai du plaisir à être de temps en temps un peu ivre mais j’ai un plaisir beaucoup plus grand à être complètement clean, je trouve formidable d’être plein d’énergie, de se sentir vivant et d’être caressé par une brise tiède. C’est un plaisir 100 % naturel que je préfère à toutes les expériences psychédéliques possibles. C’est nécessaire pour le cerveau de sortir de ses habitudes de manière drastique. Il faut pouvoir de temps à autre changer de chimie moléculaire. Mais plus je vieillis, plus j’ai du plaisir à sentir mon corps, à le faire bouger, suer, à faire du sport. Il faut que je prenne soin de mon petit animal personnel.

6 Du matin?

Ce disque est vraiment plus un disque du matin. Il a en lui beaucoup d’images de soleil, de couleurs vives, de références au cosmos, avec un espace très naturel et très vaste. C’est un disque que j’ai conçu autant pour échanger de l’énergie que pour danser. C’est un disque « bi » (rires).

7 Mysticisme?

Le mysticisme est juste le rapport sensuel à la vie. La vie reste un mystère fondamental que, ni la science ni la religion, ne peuvent expliquer! La sensation, simplement, de se sentir vivant, c’est ça le mysticisme. Celui-ci peut être défini par le rapport à l’esprit, à la transcendance.

8 1968?

Tout ce que l’on vit aujourd’hui repose quand même très fort sur les rêves des années 60. Les gens ont rêvé très très fort à cette époque, ils ont beaucoup expérimenté, se sont beaucoup trompés mais ont quand même eu de magnifiques visions. Et puis, la drogue et la politique ont rabaissé le niveau. Aujourd’hui, chez plein de gens, il y a une forme de retour à une fantaisie lucide, une utopie débarrassée de toute idéologie, c’est ce que je fais. Je me sens comme le petit-fils des années 60 qui essaie de créer aussi son propre rêve!

9 La culture française?

En général, il y un peu une tentation autarcique dans la culture française. Et il faut résolument aller vers le monde même s’il est dangereux, déstabilisant et incertain: il y a beaucoup plus d’énergie à aller dans ce sens-là plutôt que de rester cloîtré dans un confort qui reste illusoire…

10 Besoin de gens comme vous?

Aujourd’hui, il y a énormément de musiques géniales mais aussi plein de musiques formatées… Donc, on a besoin de gens comme moi, qui amènent des mots différents et qui prennent du recul avec le discours de la société mais aussi de façon amusante. Dans notre société, il y a un côté ridicule et magnifique et j’ai envie de le chanter, de me l’approprier. J’ai envie de me moquer de la politique, de la société de consommation et aussi de chanter tout ce qui est beau et touchant.

CD chez Universal, en concert le 22/10à l’ Ancienne Belgique, à Bruxelles. www.arthurh.net

Entretien Philippe Cornet.

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