Appelez-moi Cassandre

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À Cienfuegos, Raúl, 10 ans, est victime de harcèlement. Depuis que son père José, garagiste, a rencontré Liudmila, une Russe plus éduquée que lui, le couple parental bat de l’aile. Lorsque le gamin annonce à sa mère et sa tante qu’il voit des morts, elles lui rétorquent que “désormais, [ils sont] tous des marxistes-léninistes et [que] voir des morts, c’est bon pour les fous”. Comment leur faire comprendre qu’il est Cassandre, devineresse de Troie à qui la déesse Athéna a révélé son sort? À la fin de l’adolescence, il sait que sa trajectoire tragique se jouera ailleurs, en Angola, où des troupes cubaines interviennent dès 1975 contre l’offensive de l’Afrique du Sud. Faisant fi des craintes des siens, à commencer par celles de son père, il accepte de s’enrôler. Sur place, les brimades pleuvent sur le jeune homme, pris en grippe par son supérieur hiérarchique, qui le surnomme Marilyn Monroe. Repéré par un capitaine qui voit en lui un ersatz d’épouse apte à satisfaire ses désirs inavouables, voilà Raúl/Cassandre en sursis ambivalent. Hanté par les Érinyes, il ne peut prévenir ses camarades de leur trépas, car chaque destin est “écrit dans le ciel en caractères indélébiles”. Marcial Gala tresse ici avec brio mythologie et violence, poésie et trivialité. Le narrateur est-il la réincarnation de Cassandre ou s’évade-t-il pour que sa vie opprimée (pour rappel, la dépénalisation de l’homosexualité à Cuba n’a eu lieu qu’en 1979) soit plus supportable? L’auteur maintient une porosité d’interprétation mais mène jusqu’à la lisière son magnifique personnage, spirituellement habité et fauché trop tôt.

De Marcial Gala, éditions Zulma, traduit de l’espagnol (Cuba) par François-Michel Durazzo, 288 pages.

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