Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

BEAUTÉ DU DIABLE – ATTENTION, VIRAGE! POUR SON NOUVEL ALBUM, INTROSPECTIF MAIS PAS AUTISTE, APPARAT PASSE DU CLUB TECHNO AUX GRANDS ESPACES D’UNE POP RÊVEUSE.

« THE DEVIL’S WALK »

DISTRIBUÉ PAR MUTE (PIAS).

C’est un peu le syndrome Jim Carrey. Comment passer de la comédie ( Ace Ventura, The Mask…) au drame ( Eternal Sunshine of the Spotless Mind, The Truman Show…)? On exagère un peu, mais il y a de ça, dans la demarche entamée aujourd’hui par l’Allemand Sascha Ring (1978, Quedlinburg), alias Apparat. A la base connu pour ses tracks électroniques, le voilà qui s’essaie à l’écriture de vraies chansons quasi pop. « Ce qui est marrant, c’est que ce sont finalement 2 émotions très fortes. Je me rappelle ma toute première interview. La journaliste trouvait mon disque très joyeux, alors que j’avais moi-même l’impression d’avoir fait un album plutôt triste. Comme quoi,cela reste subjectif. » (rires)

Issu de la bouillonnante scène berlinoise, Apparat avait jusqu’ici fomenté une musique électronique taciturne, collaborant avec Ellen Allien (Orchestra of Bubbles) ou Modeselektor (le projet Moderat). Quelques années auparavant, Ring, né en RDA, s’était pris la révolution techno en pleine figure.  » On se retrouvait dans des anciennes usines, on installait une sono, et quand la police débarquait, on lui faisait un doigt (rires). Comme le punk, c’était d’abord une énergie contestataire plus qu’une idéologie très construite. Mais je réalise que je suis super heureux d’avoir participé à l’une de ces révolutions. Cela fait un petit temps que l’on n’en a plusvécu… » Paradoxe de l’ère Internet: tout le monde a beau être interconnecté, les énergies se sont surtout balkanisées. The Devil’s Walk est donc d’abord et avant tout un disque introspectif, forcément personnel.

Musique d’intérieur

Pour faire le pas vers la pop -version dream pop, ethérée et brumeuse, à la Sigur Ros (référence évidente)-, Apparat a donc creusé ses émotions, souvent les plus sombres. « Oui, j’imagine que je ne dois pas être la personne la plus joyeuse au monde (rires). Je ne me plains pas, ma situation -vivre de ma passion, par exempleest très cool. Mais disons que certains ont un talent pour prendre les choses avec une certaine légèreté. Ce n’est pas mon cas. J’ai plutôt tendance à trop réfléchir. Et je ne crois pas que ce soit la meilleure base pour devenir la personne la plus heureuse qui soit. «  Cela ne fait pas pour autant de The Devil’s Walk un disque plombé ou caverneux. Apparat maîtrise en fait cette figure toujours compliquée qui consiste à tremper sa plume dans la mélancolie sans tomber dans la complaisance, à être triste sans geindre. Le single Song of Los ou un morceau comme A Bang in the Void, par exemple, ont le spleen presque apaisé, serein.

Peut-être aussi parce qu’aussi introspectif que soit le regard d’Apparat, il n’est pas tout à fait détaché du monde. The Devil’s Walk fait ainsi référence à un texte contestataire du poète anglais Shelley (1792-1822). Quant à l’artwork, il est lié à l’imagerie du dessinateur et satiriste mexicain José Posada (1852-1913). « Où l’on se rend compte que les problèmes étaient déjà identiques il y a 100 ans, 200 ans… Au moment de concevoir l’album, on était déjà en pleine crise financière, les médias ne parlaient que de ça. En tant qu’artiste, vous ne pouvez rien faire. En général, je ne suis pas fan des protest songs. Mais en pointant les choses, pourquoi pas imaginer que l’un ou l’autre morceau fasse réfléchir… »

EN CONCERT LE 23/10, ANCIENNE BELGIQUE, À BRUXELLES.

LAURENT HOEBRECHTS

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