DEUX CHASSEURS DE PRIMES, DES AIRS D’APOCALYPSE ET UN CHIEN. BOULILANNERS BOUCLE UN NOUVEAU FILM TRÈS PROMETTEUR.

« C’est le dernier jour de tournage et ça se sent: je n’ai plus aucune autorité… » Bouli Lanners n’a rien perdu de son sens de l’autodérision au moment de conclure une nouvelle et belle aventure, celle d’un film intitulé Les Premiers les derniers. Un titre évoquant les débuts de l’humanité… et sa fin potentiellement proche. Ce sera une manière de western moderne. Mais les scènes à mettre en boîte aujourd’hui ont pour cadre un vaste bureau situé au 26e étage d’un immeuble du WTC, dans le quartier de la gare du Nord à Bruxelles. « Il fallait au début un décor très actuel, très urbain, pour donner au film une coloration un peu contemporaine avant de partir vers autre chose« , commente l’acteur-réalisateur, qui incarne un ex-motard devenu (gentil) chasseur de primes. Veste de jeans, bonnet de laine, barbe fournie et boucle dorée à l’oreille droite, il joue Gilou, et a pour compagnon d’aventures un certain Cochise. Lequel a les traits d’Albert Dupontel, tout de noir vêtu, veste et bottes de cuir noir, bouc et lunettes à monture métallique. Dans la scène tournée ce matin, les deux hommes reçoivent une « commande », une affaire qui les mènera bien au-delà du simple cadre d’une enquête façon polar, vers des plaines désolées et des rencontres aussi marquantes qu’inattendues…

Chaud et froid

Bouli se plante devant une large fenêtre et contemple le ciel bleu superbe, la vue vers le sud où l’on aperçoit la tour de l’hôtel de ville, et plus loin le Palais de Justice. « Ça fait du bien, en fin de tournage, un décor chauffé, après toutes ce semaines passées dans le froid, dans la plaine de Beauce. Même les décors intérieurs, là-bas, étaient froids. C’étaient des bâtiments désaffectés, avec des courants d’air, des fuites d’eau, une humidité constante… L’effet du froid, la buée qui sort de la bouche quand on parle, la façon de se tenir, la couleur de la terre et du ciel, le vent qui est si beau à l’image, tout ça aura un impact sur le film, un impact dont je suis heureux.  »

Heureux, Gibus l’est aussi, à le voir remuer la queue… Gibus, c’est le chien de Bouli dans la vie, et celui de Gibus dans la fiction du film. L’assistant qui l’amène sur le plateau ne tarit pas d’éloges à son égard: « Il est bon comédien, en fait il est même meilleur comédien que chien! » Le climat dans l’équipe est à l’humour, à la complicité. Comme quand Dupontel s’adresse à Bouli dans une prise en l’appelant par son vrai prénom, au lieu de celui de son personnage. Hilarité générale, mais très vite après retour à une concentration palpable. Dans le viseur de la caméra, l’image est magnifique, avec son format large et la lumière tombant sur deux chaises rouges, tout à droite du cadre. A l’appel de son maître, Gibus traverse la pièce et le rejoint. « Coupez! » La prise est bonne. « Bravo mon pépère!« , lance Bouli au plus velu de ses interprètes. Le poil se porte bien parmi les techniciens, presque tous barbus de quelques jours au moins. Cette équipe-là n’enrichira pas les fabricants de lames de rasoir…

Cochise et Gilou font face à un homme au physique sévère (Dominique Bettenfeld, impeccable), qui leur remet un petit appareil permettant de traquer leur « proie » via un système GPS. « C’est très simple, très très simple… Tu n’as qu’à le brancher sur ton smartphone… Je suppose que tu as un smartphone? » Cochise/Dupontel laisse planer un silence puis réagit: « C’est quoi, un smartphone? » On dirait une scène des Barbouzes ou des Tontons flingueurs. Et on a hâte de la retrouver dans un film dont la copie zéro est annoncée pour l’automne. « Le propos est positif, plus que dans mes films précédents, explique Bouli Lanners, mais il y a au départ pas mal de noirceur, une noirceur profonde… L’histoire se passe en six jours, et est complétement éclatée en récits parallèles. C’est un film choral, à la narration plus complexe que mes précédents. Chaque élément faisant avancer les autres…  »

Avant de tourner le premier plan du jour, un technicien a lancé un tonitruant: « On fait chauffer la Chouffe! » Avant de préciser, à l’intention des membres français de l’équipe: « C’est une expression belge. » Trois heures plus tard, une prise doit être recommencée pour raison technique. Dupontel, seul devant la caméra pour ce plan, interroge, faussement irrité: « Y avait un problème? » Bouli répond, mielleux: « Non, Monsieur Dupontel. C’était très très bien! » Et d’en appeler à tous: « N’est-ce pas que Monsieur Dupontel était bien?« , sollicitant une approbation massive et encore une fois complice.

Gibus n’est plus dans la scène mais il déambule avec une mini-caméra GoPro harnachée sur le dos. C’est lui qui, ainsi, réalise le « making of » du film! Une originalité parmi beaucoup d’autres, pour un Les Premiers les derniers qui promet beaucoup, avec un casting de rêve qui réunit aussi Max Von Sydow et Michael Lonsdale, ainsi que les jeunes David Murgia et Aurore Broutin (le couple Esther et Willy, dont Bouli célèbre l’histoire d’amour, et pense qu’ils seront la révélation du film), sans oublier Philippe Rebbot, Serge Riaboukine et Lionel Abelanski.

La journée de travail s’achève. Ce soir, ce sera la fête. Bouli fera son DJ set, à base de punk et de post-punk. La fin du tournage va soulager le natif de Plombières (dans la province de Liège). « Je suis très excité et encore plus fatigué, conclut le barbu, la barre était plus dure à tenir que dans mes autres films… J’étais plus impliqué aussi, une histoire plus personnelle, j’ai eu plus de mal à jouer que dans Eldorado, j’ai mis du temps à trouver mes marques pour le rôle de Gilou… Mais je suis heureux, pressé de passer au montage après deux semaines de repos… On a ramené tellement de belles choses de ce tournage! Difficile de ne pas faire un bon film avec tout ça… Et si finalement c’est un mauvais film, ce sera un très beau mauvais film! »

TEXTE Louis Danvers

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