Année vingt-quatre

« En discutant littérature et politique, on peut faire de longues promenades. » Traducteur de Jarry, Queneau ou Beckett, fine lame de l’anti-roman, auteur de dictionnaires « non conventionnels », le Tchèque Patrik Ourednik campe un soldat exemplaire, toujours en première ligne. Cette fois, il invite au « jeu des souvenirs » introduit sur la scène expérimentale par l’Américain Joe Brainard ( I Remember, 1970) et popularisé ensuite par Georges Perec, sans manquer d’y ajouter son grain de sel: « Char d’assaut grillé dans son jus (pour 4 pers.) ». De ses huit ans (1965) jusqu’à la révolution de Velours (1989), dans une Tchécoslovaquie où le temps s’est figé, l’auteur mêle vox populi et petite voix intérieure, opère la mise en relation de l’individu et du collectif. Sur le mode Je me souviens se dresse le bric-à-brac sensitif d’une génération élevée au totalitarisme. Blagues, devinettes, slogans, graffiti, documents, tout y passe. Perturbateur prônant l’indiscipline, Ourednik ourdit un sabotage où il est question de Lénine, de Lennon, des otaries de la mer d’Okhotsk, des ravages de la syphilis mais aussi de la censure, comment on attrape l’une, comment l’autre vous rattrape… On rappelle au lecteur surpris un livre d’Ourednik entre les mains que des flics en civil contrôleront ses papiers et fouilleront son sac. « Après le travail, un repas mérité et un bon livre! »

de Patrik Ourednik, Éditions Allia, Traduit du tchèque par Patrik Ourednik et Benoît Meunier, 208 pages.

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