THE BLACK CONNECTION – American Gangster revisite avec brio le mano a mano qui opposa, au début des années 70, un parrain noir de Harlem à un flic incorruptible.

De Ridley Scott. Avec Russell Crowe, Denzel Washington, Josh Brolin. 2 h 40.

De la science-fiction au péplum en passant par le film de guerre ou le road movie, il n’est guère de genre cinématographique qui ait résisté à Ridley Scott. S’attaquant ici au film de gangster tel que le cinéma américain le pratiquait dans cet âge d’or que furent les années 70, le réalisateur s’acquitte de l’exercice avec un incontestable brio, signant un polar mémorable en même temps qu’une £uvre d’une exceptionnelle densité.

Inspiré de faits réels, le schéma d’ American Gangster est, en apparence, classique – à savoir le mano a mano qui, au tournant des années 70, opposa un seigneur noir régnant sur le commerce de l’héroïne à New York, à un flic incorruptible. Soit, d’une part, Frank Lucas, l’homme qui reprit, en toute discrétion, la succession du parrain dont il était le chauffeur. Et monta, dans la foulée, un trafic de drogue particulièrement audacieux, la poudre étant directement acheminée d’Asie du Sud-Est par… avions militaires. Et, d’autre part, Richie Roberts, flic aux principes chevillés au corps, incorruptible au point d’être la risée de ses propres confrères. Que leur duel se cristallise autour du match de boxe opposant Joe Frazier à Mohammed Ali en 1971 ne doit évidemment rien au hasard: tout, ici, est opposition de styles – on peut, au sujet de ces deux personnalités, parler de doubles inversés. Quant à l’issue de leur combat, elle basculera en cette circonstance, sur un détail infime en apparence.

UNE SOCIéTé CORROMPUE

A l’intensité de cette joute, Scott ajoute une mise en perspective emballante: la guerre du Vietnam en toile de fond, American Gangster est aussi le portrait affolant d’une société corrompue jusqu’à la moelle, en train aussi d’opérer un glissement d’une époque à l’autre – la boucle sur laquelle se referme le film est, à cet égard, particulièrement révélatrice.

Précision de la reconstitution, crescendo savant du scénario de Steve Zaillan, juste suspension du rythme, envoûtante photographie – signée Harris Savides, également responsable de celle de Zodiac -, qualité de l’interprétation (opposant Russell Crowe, massif, à Denzel Washington, en contre-emploi) font de ce film un véritable régal. De nombreux et généreux compléments accompagnent par ailleurs cette édition. L’un d’entre eux retrace, leurs témoignages à l’appui, l’histoire vraie de Lucas et Roberts, devenus amis depuis les faits (le second est même le parrain du fils du premier). D’autres s’attachent à divers aspects du film, et notamment le tournage de la descente dans l’immeuble où était régulé le trafic, de même que la mise en place de la scène du combat de boxe. Impressionnant.

JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS

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