Allez-hop!

Dans la vie, tout est histoire de timing. C’est peut-être dans le domaine créatif que cet adage de comptoir se révèle le mieux. Les artistes les plus chanceux bénéficient d’une reconnaissance tardive, les moins chanceux d’aucune reconnaissance du tout. William Gropper est de ceux-là. Cela ne l’a pas empêché de travailler très tôt dans la presse américaine comme dessinateur satirique, engagé à gauche. Cette orientation politique ne l’a certainement pas aidé durant la période sombre du maccarthysme, mais il a toujours continué à dessiner et à peindre, activités qui l’accapareront toute la seconde moitié de sa vie après la Seconde Guerre mondiale. En 1930, il avait publié Allez-hop!, une histoire muette influencée par Mon livre d’heures du Belge Frans Masereel et par les oeuvres de Lynd Ward (dont une très belle réédition est parue chez Monsieur Toussaint Louverture), toutes éditées quelques années auparavant. Allez-hop! met en scène un duo de circassiens (un homme et une femme) et un chanteur lyrique à succès qui fait miroiter à la femme du couple une vie meilleure. Chose remarquable pour l’époque, la femme n’est pas l’objet du désir de son partenaire d’acrobatie, leur relation restant purement professionnelle. C’est également la seule à avoir une profondeur psychologique révélée au travers d’un songe. La mère de l’auteur, qui faisait bouillir la marmite à la maison, lui a certainement servi de modèle. Graphiquement, Gropper utilise les codes balbutiants de la bande dessinée de l’époque: ici pas de cases mais une succession d’images -une par page-, articulées en séquences narratives. L’intérêt ne réside pas tant dans l’histoire que dans sa contextualisation historique. Malheureusement parue après le krach boursier de 1929, Allez-hop! n’a pas rencontré le succès, n’incitant pas l’auteur à persévérer dans cette voie.

Allez-hop!

De William Gropper, éditions de la Table ronde, 216 pages.

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