L’ACTRICE SUÉDOISE ILLUMINE THE DANISH GIRL, DE TOM HOOPER, OÙ ELLE INCARNE GERDA WEGENER, DONT L’AMOUR ACCOMPAGNA LA MÉTAMORPHOSE DE SON ÉPOUX EN LILI ELBE, LE PREMIERTRANSSEXUEL DE L’HISTOIRE.

2015 restera comme une année faste pour Alicia Vikander, omniprésente sur les écrans de février à décembre, et que l’on vit aussi à l’aise dans un drame intimiste comme Testament of Youth, où elle campait l’écrivain féministe Vera Brittain, que dans la comédie d’espionnage The Man from U.N.C.L.E. (lire page 18).Deux rôles et deux registres parmi d’autres, l’actrice étant encore de Son of a Gun, Seventh Son et jusqu’à Burnt. Sans même parler d’Ex-Machina, excellent film d’anticipation d’Alex Garland où elle composait la créature androïde d’Oscar Isaac; un film resté inexplicablement inédit en Belgique.

Son actualité, tandis qu’on la retrouve fin octobre dans un palace situé à un jet de pierre du Waterloo Bridge, à Londres, c’est toutefois la sortie annoncée de The Danish Girl de Tom Hooper (lire son interview page 10), réalisateur, entre autres, de The King’s Speech et Les Misérables. Soit le film qui devrait lui ouvrir, tout prochainement, la voie des (nominations aux) Oscars, après avoir été, au même titre qu’Ex-Machina d’ailleurs, son sésame pour les Golden Globes. Si la concurrence sera rude (on voit mal les votants ignorer l’extraordinaire prestation de Cate Blanchett et Rooney Mara dans Carol), voilà en tout cas la jeune comédienne -elle est née en 1988 à Göteborg- bien partie pour marcher sur les traces de Greta Garbo et Ingrid Bergman, autres étoiles suédoises ayant brillé au firmament hollywoodien. Une perspective dont elle ne tire nulle vanité particulière: « Les choses ont changé, et il est désormais assez simple de quitter la Suède et d’avoir une carrière internationale. Comme n’importe quelle industrie, le cinéma est devenu global. Pour peu que l’on surmonte la barrière de la langue, il est possible d’obtenir des rôles un peu partout.« Ce n’est pas Matthias Schoenaerts, son partenaire dans The Danish Girl, qui démentira.

Alicia Vikander, le public international l’a découverte en 2012 aux côtés de Mads Mikkelsen, sous les traits de la reine Caroline Mathilde, dans A Royal Affair, drame historique raffiné du cinéaste danois Nikolaj Arcel. Révélation du film, la jeune femme avançait un curriculum vitae déjà imposant. Enfant d’une comédienne de théâtre et d’un psychiatre, elle se destine au ballet avant de bifurquer vers les arts dramatiques, débutant dans un téléfilm en 2002 avant d’aligner les productions dans sa Suède natale -séries télévisées, courts et enfin longs métrages. Une première consécration vient avec Pure de Lisa Langseth, qui lui vaut le Guldbagge de la meilleure actrice (l’équivalent suédois des Oscars, César et autre Magritte, dont le nom n’est autre que celui d’un coléoptère, la cétoine dorée) -elle a alors 22 ans. La suite coulera de source, pour ainsi dire. « Situer précisément ce qui a fait office de déclencheur est toujours difficile, sourit-elle. J’ai obtenu le rôle de Kitty, dans Anna Karenine, avant même la sortie de A Royal Affair. Pure, le premier film que j’ai tourné en Suède,a attiré l’attention du réalisateur Joe Wright, qui m’a proposé de tourner Anna Karenine avant que le film de Nikolaj Arcel ne soit sur les écrans. A un moment, les choses se sont bousculées, et j’ai eu la chance de rencontrer tous ces gens qui ont bien voulu croire en moi et me faire passer des essais. Quand A Royal Affair s’était présenté, ma réaction avait été de dire « wow », moi qui n’avais jamais pensé quitter la Suède! Le simple fait d’aller tourner au Danemark, de devoir apprendre la langue, allait bien au-delà de tout ce que j’avais pu imaginer. »

Quelques années plus tard, l’actrice a gagné en assurance. Si l’on a pu dire, à l’époque du Ninotchka de Lubitsch, « Garbo rit! », Vikander, elle, irradie, rompue qu’elle est désormais par ailleurs à la machine promotionnelle. En l’occurrence, le marathon de The Danish Girl l’occupe depuis quelques semaines déjà -le film a eu sa première lors de la Mostra de Venise, début septembre-, mais elle a su préserver sa fraîcheur; tout au plus si un soupçon de formatage pointe, à l’occasion, dans ses propos. « Les gens semblent considérer aujourd’hui que ce film vient à son heure, mais ce n’était absolument pas le cas lorsque j’ai signé, il y a moins de deux ans à peine… » Question de « zeitgeist », comme l’on dit.

Si The Danish Girl relate l’histoire d’Einar Wegener/Lili Elbe, pionnier de la cause transsexuelle, Alicia Vikander trouve, à ses côtés, l’un des rôles les plus denses de sa jeune carrière. « Gerda est rien moins qu’impressionnante. En faisant mes recherches, je me suis rendu compte combien Lili Elbe et elle étaient en avance sur leur temps. Son statut d’artiste et de femme qui travaille, dans les années 20, représente déjà quelque chose d’énorme. A quoi s’ajoutent la force et l’amour inconditionnel qui l’animaient, et qui ont été le socle de son soutien immense et désintéressé envers l’être qu’elle aimait, au-delà de la peur de le perdre -ce sentiment dans lequel, je pense, tout le monde peut se projeter. » Et qu’elle incarne dans un mélange de défi et de vulnérabilité, âme sensible du film. « Mes émotions personnelles constituent mes outils, même quand j’interprète des personnes fort éloignées de moi. J’aime ce métier parce qu’on a l’opportunité d’essayer de comprendre des individus et, partant, de se comprendre soi-même. » Précepte qu’elle va prochainement mettre en pratique chez Derek Cianfrance (The Light Between Oceans) et Wim Wenders (Submergence), non sans rejoindre Matt Damon pour une nouvelle aventure de Jason Bourne. « Je ne puis rien vous en dire, si ce n’est combien j’en suis ravie. » On le serait à moins…

THE DANISH GIRL, EN SALLES LE 20/01. LIRE LA CRITIQUE PAGE 12.

RENCONTRE Jean-François Pluijgers, À Londres

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