Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Heartbreak hotel – Avec son 4e album, Alicia Keys prouve qu’elle n’a rien besoin d’autre que de rester elle-même pour convaincre.

« The Element of Freedom »

Distribué par Sony.

Alicia Keys, c’est un peu la diva r’n’b pour ceux qui n’aiment pas les divas r’n’b. Depuis son premier album, Songs in A Minor (2001), la belle prend la pose derrière son piano, là où nombre de ses collègues remuent leurs hanches de manière toujours plus frénétique. Et quand elle se lève, c’est pour emprunter une gestuelle conquérante, voire virile, à la Céline Dion, plutôt que de se multiplier en postures lascives. En fait, Alicia Keys (née Augello Cook, 1981) a toujours joué la carte de la jeune femme bien dans sa peau, refusant de s’aligner sur les canons des lolitas pop. Jusqu’ici, cela lui a pas mal réussi. En trois albums studio, elle a vendu quelque 30 millions de disques…

C£urs brisés

La suite vient de sortir et s’intitule The Element of Freedom. Comme l’annonce d’une nouvelle liberté artistique? En intro, la miss explique encore que le choix de « rester bourgeon est parfois plus douloureux que le risque d’éclore ». Autant l’écrire directement, le 4e album d’Alicia Keys est pourtant tout sauf un grand virage artistique. Dans les faits, Alicia Keys appuie même un peu plus sur ce qui est devenu sa plus récente marque de fabrique: des ballades aux refrains emphatiques, calibrées pour les arènes. Une sorte de stadium soul, comme on parle de stadium rock. C’est l’exemple du premier single, Doesn’t Mean Anything, pas franchement révolutionnaire. Love Is Blind est plus intéressant, lente plainte qui semble faire écho au 808’s and Heartbreak de Kanye West. Plus loin, Try Sleeping With A Broken Heart voit Alicia Keys frayer dans le lit synthétique des années 80, uniquement pour le meilleur. Ailleurs, Un-Thinkable fait des merveilles pour évoquer le moment d’avant, la tension qui précède la voie amoureuse sans issue. En fait, les trois quarts de l’album se débattent autour des tourments sentimentaux. C’est toujours un peu la même scène qui revient en boucle. Vous savez bien, celle où l’homme se rend compte qu’il a laissé la femme de sa vie prendre le prochain vol pour New York/Seattle/Paris (au choix), et décide de la rattraper, avant de se retrouver coincé dans les embouteillages sur la route de l’aéroport… On a beau connaître la suite, Alicia Keys la chante sur tous les tons. Et ça marche! Certes, le duo avec Beyoncé, le plus remuant Put It In A Love Song, enchaîné avec This Bed, arrivent à temps pour apporter un peu de variété à l’ensemble.

Pour autant, jamais auparavant on n’a pu prendre Alicia Keys en flagrant délit de minaudage. Bien sûr, tout sonne très pro et maîtrisé. Mais la jeune femme parvient toujours à faire passer ce petit quelque chose supplémentaire. C’est aussi le paradoxe de The Element of Freedom. S’il s’éloigne un peu plus de la posture soul seventies des débuts pour lorgner plus clairement du côté de la pop, il est peut-être aussi le plus transparent des disques qu’a pu réaliser jusqu’ici Alicia Keys. En fait, la liberté dont il est ici question est d’abord celle de rester soi-même. Ni plus ni moins. Sauf que dans le cas d’Alicia Keys, cela suffit à rendre ses disques attachants.

Laurent Hoebrechts

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