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© Anna Camerlingo

Esterno Notte ****

Comme un écho, 20 ans plus tard, à son film Buongiorno, notte (mais aussi à son Diable au corps de 1986), Marco Bellochio poursuit en six épisodes intenses et somptueux le relevé des années de plomb dans l’Italie des années 70. Lacéré par les attentats, les coups de force de tous bords, la montée de l’extrême droite et un pouvoir aux abois, le pays est sur un point de bascule. Le 16 mars 1978, le président du puissant parti démocrate chrétien au pouvoir, Aldo Moro, est enlevé par les Brigades rouges. Le gouvernement de Giulio Andreotti soupèse dans une tension étouffante la possibilité d’une négociation périlleuse ou d’une intransigeance risquée.

Après avoir ausculté dans son long métrage de 2003 le point de vue d’une activiste des Brigades, Bellocchio puise dans cette affaire le motif d’une exploration en profondeur des ressorts du pouvoir, des luttes politiques, de leur radicalisation et de leurs impasses, au sein d’un récit choral qui multiplie les perspectives. L’affaire de l’enlèvement d’Aldo Moro, qui s’est soldé de manière tragique, n’a pas encore révélé tous ses secrets et de nombreuses zones d’ombre subsistent encore aujourd’hui. Puissant et documenté, le scénario met à jour, dans un aggiornamento littéral qui ne fait l’économie d’aucune complexité, les étapes qui ont mené à l’issue funeste, scellé l’échec de l’option terroriste comme le sort d’un impensé qui hante toujours la politique italienne -et même européenne. Tous les acteurs du drame ont voix au chapitre, du troublant ministre de l’intérieur Francesco Cossiga (Fausto Russo Alesi) aux révolutionnaires, en passant par la famille Moro et le pape Paul VI (Toni Servillo). Dans la peau du kidnappé, Fabrizio Gifuni compose un personnage d’une rare profondeur, dont ses partenaires n’ont par ailleurs aucune raison d’être jaloux, tant le niveau de l’ensemble maintient une étonnante intensité collégiale.

La réalisation et le scénario de Bellocchio nous plongent au cœur du tragique, dans le grotesque d’une imperturbable comédie du pouvoir et des jeux de masques. Esterno Notte rappelle à bien des égards le souffle d’une autre fresque de la télévision italienne, La meglio gioventù (2003 aussi) de Marco Tullio Giordana, mais le sien est plus étouffé, sombre. Il pèse de toute sa rigueur froide sur nos représentations pour réaliser le choc tellurique d’un drame qui a fait couler autant d’encre que de sang. Et qui ne finit pas de fasciner, comme de nous faire frissonner, face à tant de violence et de non-dits.

Série créée par Marco Bellocchio. Avec Fabrizio Gifuni, Toni Servillo, Fausto Russo Alesi.

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