Agents troubles

Park Chan-wook adapte John le Carré. Nanti d’un casting élégant, l’esthétique de ce thriller questionne la mécanique du spectacle au coeur du terrorisme.

En 1983, à mi-chemin entre les années de plomb du terrorisme en Europe et la chute du Mur de Berlin, l’écrivain britannique John le Carré signe The Little Drummer Girl. Ce thriller d’espionnage rembobine jusqu’au coeur des années 70, alors que la guerre froide et le conflit israélo-palestinien s’invitent à la table du Vieux Continent. Le maître coréen Park Chan-wook (primé à Cannes avec Oldboy en 2004 et Thirst en 2009) adapte avec style ce best-seller et en tire un récit réflexif, leste mais un peu froid.

Martin Kurtz, l’agent calculateur du Mossad interprété par Michael Shannon, résume par un parfait adage le jeu de dupes, de trahisons et de manipulations de l’espionnage international: « Notre fiction doit coller à leur réalité ». Cette réalité, c’est celle du terrorisme palestinien. Quelques années après la prise d’otages des JO de Munich en 1972, un attentat est perpétré à Bonn, alors capitale de la République fédérale d’Allemagne. Les indices pointent vers Khalil, membre de l’Organisation de Libération de la Palestine. Kurtz imagine un plan d’infiltration particulièrement retors. Il jette son dévolu et son meilleur élément Gadi (Alexander Skarsgård), sur une certaine Charlie (Florence Pugh), jeune actrice anglaise ratée et passablement antisioniste, et la convainc de mettre ses talents au service de leur cause: infiltrer le réseau terroriste. Ce qu’elle parviendra à faire non sans montrer une certaine résistance, avant de se faire enlever par l’OLP, qui l’emmène dans un camp d’entraînement avant de la lancer sur son terrain des opérations sous sa double casquette.

Agents troubles

Société du spectacle

La minisérie joue donc volontiers sur la métaphore du jeu. Jeu d’acteurs, de masques ou de rôles. Parallèlement, elle prend soin de souligner à quel point le terrorisme est, lui aussi, un spectacle, une mise en scène, un théâtre de l’effet et de l’affect qui cherche à se mettre en images pour provoquer ou sidérer. Park Chan-wook et ses acteurs reconstituent, avec un peu trop de zèle dans les costumes et les moustaches mais un réalisme époustouflant dans l’action, cette société du spectacle au moment où les camps se livrent une guerre sourde de ravages. La mise en scène démantibule le genre du thriller d’espionnage et parvient à s’extraire du contexte historique pour offrir une réflexion sur le mensonge et la vérité, avec Florence Pugh pour noyau incandescent. Il faut par contre attendre quelques épisodes avant que les personnages, clés de voûte du récit, prennent toute leur épaisseur. Et révèlent en creux l’indifférence à l’égard du conflit proche-oriental d’un Occident tout à sa quête de confort consumériste et de réussite individuelle. Des bonus? Pour quoi faire?

The Little Drummer Girl

Minisérie AMC/BBC créée par Park Chan-wook. Avec Michael Shannon, Alexander Skarsgård, Florence Pugh. Dist: Universal.

7

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