Y a-t-il une date de péremption pour les chanteurs comme il y en a pour les boîtes de conserve ou les yaourts? Une date au-delà de laquelle l’artiste est condamné à la sénilité, à la caricature, au radotage et, pour ceux qui persisteraient quand même, au ridicule. Question incongrue à première vue quand on pense à ces papys du rock aussi inusables qu’une junte birmane: les Bruce Springsteen, Lou Reed, Rolling Stones et autre AC/DC. Encore que, l’âge venant, même les Pierres qui roulent n’amassent plus mousse. En faisant le malin sur un cocotier en 2006, Keith Richards s’est quand même retrouvé aux urgences. A 60 ans bien sonnés et surtout bien chargés, la souplesse n’est plus qu’un lointain souvenir. La rock attitude en général impose d’ailleurs un mode de vie plus adapté à la physionomie des arbrisseaux qu’à celle des vieux chênes. Et même si sur scène, Mick Jagger a toujours l’air de danser sur un lit de braises, on ne sait pas combien de patchs de Voltaren il s’est collé sur les fesses pour imposer cette cadence infernale à ses articulations. Iggy Pop, autre vétéran a priori inoxydable, a lui aussi fait l’expérience dans sa chair du temps et des modes qui passent. L’ex-Stooges, toujours prompt à exhiber sa carcasse embaumée, s’est jeté dans la foule l’autre jour pour une petite étreinte amicale (stage diving). La routine, sauf qu’ici, il n’y avait personne à la réception. Résultat: l’Iguane a viré au bleu. Refroidi et meurtri, l’animal a annoncé dans la foulée qu’on ne l’y reprendrait plus. Quand on a crié « no future » sur tous les toits de la bourgeoisie dans sa jeunesse, il ne faut pas s’étonner à ce que ce futur, une fois réalisé, prenne sa revanche… Pour quelques groupes punks toujours actifs, les Buzzcocks par exemple, combien ont d’ailleurs tombé la veste à clou et les coupes iroquois? Y a pas à dire mais pour éviter de tomber dans l’ornière de l’auto-parodie, mieux vaut choisir la médecine douce du reggae ou du blues (des musiques sans âge) que la thérapie de choc du punk. Ou du rap. Derniers arrivés sur la piste, les pionniers du hip hop se prennent aujourd’hui la crise de la petite quarantaine en pleine face A. « Comment changer de discours sans changer de disque? », se demandent les premiers « vieillards » de la scène rap. Certains s’accrochent aux barreaux de l’adolescence en ressassant les rengaines fiévreuses des cités (Kery James, Booba et consorts), d’autres liment les dents de leur flow pour décrire une réalité rythmée par la paternité, le boulot, les souvenirs (Oxmo Puccino, Kool Shen…). Les premiers portent un masque qui peut faire illusion mais qui finira tôt ou tard par se lézarder. Quant aux seconds, ils perdent en rage ce qu’ils gagnent en authenticité. Mais le public les suivra-t-il? Rendez-vous dans 20 ans, quand les premiers cheveux blancs pousseront sous les casquettes, pour voir qui aura remporté la battle de la longévité… EXCLUSIF!

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Par Laurent Raphaël

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