AUTODESTRUCTEURS, TURBULENTS ET VICELARDS, LES SIX DÉPRAVÉS DE LA FAT WHITE FAMILY SONT CE QUI EST ARRIVÉ DE PLUS ROCK’N’ROLL À LA COURONNEBRITANNIQUE DEPUIS LES LIBERTINES. GOD SAVE THE QUEEN…

Shoreditch. L’un des quartiers les plus « hispterifiés » de Londres. Les Fat White Family, qui y jouent le soir même à l’occasion d’une Pias Night, détonnent un peu dans le paysage. Ils ont beau avoir récemment fait la couverture du New Musical Express, les lascars dont les frasques et les excès rappellent les Sex Pistols n’ont rien des petits minets fringués tous pareils qu’on croise dans les micro-brasseries et les coffee-houses aux alentours de Liverpool Street. Les Fat White, c’est le Londres des nuits sans fin, de la dope, des sales enroules et des références douteuses. « Personne avec un tant soit peu de décence ne met encore les pieds ici, assène Lias Saudi, 28 ans, affable leader au cheveu long et gras de cette smala décadente qui affole l’Angleterre. A chaque fois qu’on revient de tournée, on doit déménager. Toute la ville devient trop propre et sage. D’ailleurs, tous les endroits que j’aimais fréquenter ont fermé ou ont été récupérés par des enculés. Londres devient aussi chiant que Paris. Une ville en chocolat pour les milliardaires et les touristes. Une mégapole qui n’a d’autre aspiration que de sucer ton pognon. Tu ne sais pas ce que c’est d’avoir ton ordi qui s’éteint à 4 h du matin parce que tu n’as pas payé tes factures. Nous, on aime vivre dans la crasse. Mais la belle crasse. Pour l’instant, je suis à West Norwood. Le coin des renégats, tout le monde te le dira. »

Son frangin Nathan, claviériste, crèche lui au-dessus du Queen’s Head, le pub de Brixton qui leur sert de QG. Les « brothers » sont d’origine algérienne -« la moitié de notre famille est musulmane« – et ont grandi à Cookstown, en Irlande du nord -« A l’école, on était ce qui ressemblait le plus à une minorité ethnique« . Avant de devenir les nouvelles terreurs du rock anglais quelque part entre les Cramps, Syd Barrett, Black Angels et le Brian Jonestown Massacre, les frangins ont fait du pub rock sans grand intérêt sous le nom de Saudis jusqu’à ce qu’il ne leur permette plus de se payer leur came. « Le plus mauvais groupe de la ville, même s’il a tourné jusqu’en Algérie… »

Yuppies Out

Comme les Black Lips il y a dix ans, les Fat White ont une solide réputation qui les précède. Celle de mecs qui se branlent sur scène et mettent de la coke dans leur Chili. Chez eux, quand on n’a pas de fric pour un clip, on part avec de l’acide et une caméra dans les bois. Lorsque Margaret Thatcher a cassé sa pipe, les déglingués se sont promenés avec une banderole « The Bitch is Dead » dans les rues de Brixton. Et quand le restaurant Champagne + Fromage a ouvert non loin de chez eux, ils ont créé un groupe Facebook intitulé Yuppies Out.

Les garçons, qui ont le sens de la provocation, se sont même mis en tête de rééditer sur leur propre label The Family Jams. Un album enregistré par les disciples de Charles Manson, dont ce dernier a écrit toutes les chansons. « Saul a vraiment été obsédé par le personnage. Je suis davantage fasciné par un Mark E. Smith, mais j’aime l’idée que de doux, naïfs et jolis morceaux country soient l’oeuvre d’un putain de cinglé. »

Les chansons de leur premier disque à eux, Champagne Holocaust, parlent de pédophile, d’éjaculation buccale, de faire sauter Disneyland. Et se demandent qui a tué Lee (Harvey) Oswald. « La principale source d’inspiration de notre prochain album, c’est Tina Turner. Sa relation avec Ike et les troubles en Irlande du Nord. La tendresse et la brutalité quoi. Puis aussi le fantôme d’Alex Ferguson. Evidemment qu’on aime le foot. D’ailleurs levons notre Guinness à la santé de Gary Speed (ancien international gallois retrouvé pendu chez lui à 42 ans sans qu’on sache vraiment s’il s’agissait d’un suicide ou d’un accident, ndlr). »

Ce nouveau disque, qui ne sortira pas avant l’été, les Fat White sont partis l’enregistrer à New York avec leur nouvel ami Sean Lennon. Utilisant de nombreux instruments de son paternel. « On a rencontré Sean à Austin durant South by Southwest. On était en train de se foutre de sa gueule pendant un concert de son groupe The Ghost of a Saber Tooth Tiger. Et puis, il a dit: « Celle-là, elle est pour The Fat White Family. » Et on a compris que c’était un chouette mec. Il nous a invités à bouffer. Puis nous a proposé de passer du temps chez lui. La première fois, on a tous squatté dans son appartement. La deuxième, il n’en voulait plus qu’un seul d’entre nous. »

Tout en évoquant leur rencontre avec Nels Cline (le guitariste de Wilco est le colocataire du fils Lennon), la Family disserte sur la mentalité américaine et le misérabilisme européen. Compare les sens de l’humour de part et d’autre de l’Atlantique. « Là-bas, ils prennent soin d’eux. Ils sont beaux, ils sont propres et font de la gym. Nous, on ne se lave pas les dents. Et en plus, il nous en manque. Mais franchement, je pourrais y vivre. » Son batteur se pâme. « Commence par te raser avant de demander une Green Card. »

Fans des Monks qu’ils reprenaient lors de leurs premiers concerts et de The Make-Up (« tu dois lire le bouquin Supernatural Strategies for Making a Rock’n’roll Group de Ian Svenonius« ), les Anglais clament que les clés d’un bon groupe sont l’ennui et le refoulement sexuel. « On a trouvé une formule pour résumer notre prochain disque. En gros, c’est Jean Genet qui doigte Richard Brautigan, défoncé, dans un bain turc. » Tout un programme…

CHAMPAGNE HOLOCAUST, DISTRIBUÉ PAR PIAS.

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LE 13/02 À LA ROTONDE (BOTANIQUE).

RENCONTRE Julien Broquet, À Londres

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