Ras la casquette! On entend déjà les réactions à la seule évocation des affaires Polanski et Mitterrand. Il est vrai que les médias ne nous ont épargné aucune miette de ces deux faits divers impliquant la crème – brûlée? – de l’intelligentsia hexagonale. Pourquoi ajouter son grain de sel alors? Parce qu’au-delà des polémiques et des enjeux politiques, ce tohu-bohu médiatique pose des questions essentielles. Sur la place de l’artiste, sur le rôle de la presse, sur le climat de l’époque, sur la liberté d’expression et plus largement sur la vanité des hommes. Voici donc quelques réflexions, servies tièdes, non par chèvre-choutisme mais pour éviter deux prises de position – faussement courageuses – trop répandues ces derniers jours: l’absolution aveugle sur l’autel de la création toute-puissante et la condamnation sans nuances aux relents démagos nauséabonds. 1. La moralité des artistes est dans la ligne de mire. Sans toujours beaucoup de discernement. Ainsi, Gabriel Garcia Marquez, pape des lettres latinos, est accusé d’apologie de la prostitution infantile dans un de ses romans – un roman, pas une autobiographie et encore moins un procès-verbal! -, Mémoires de mes putains tristes, qui doit être adapté prochainement à l’écran. Les directeurs de cons-cience reprendraient-ils du poil de la bête? Soupçon légitime. 2. Le microcosme culturel, appuyé par ses voisins de palier de la politique, a réagi de manière corporatiste, singulièrement lorsque Polanski s’est fait coffrer, brandissant ses états de service (comme si le fait d’avoir livré quelques £uvres clés au cinéma excusait les écarts de conduite), signant des éditos grandiloquents où Polanski est rhabillé en agneau sacré. Et tant pis pour les faits – graves – qui lui sont reprochés, minimisés ou carrément passés au bleu. Le génie d’un artiste n’excuse pas tout, même si on peut légitimement se demander ici s’il n’y a pas prescription. Céline est un écrivain génial, son antisémitisme n’en fait pas moins un sale type. 3. L’un est accusé de crime, l’autre d’avoir couché… sur papier ses souvenirs de consommateur de chair fraîche. Cet amalgame faits avérés-récit sulfureux entretient la confusion autour de la fiction. Et donne du grain à moudre à ceux qui voudraient faire croire que derrière chaque artiste au propos subversif se cache un dangereux psychopathe ou pédophile. Si on devait jeter au trou tous ceux qui franchissent la ligne rouge dans leur tête, les prisons deviendraient des lieux très fréquentables et les bibliothèques et cinémathèques des supermarchés du bonheur. 4. Pour prendre un peu de hauteur, méditons cette citation de Malraux, qui résumait l’homme à  » un misérable petit tas de secrets« . Un bon point de départ pour un scénario de film, non?

Par Laurent Raphaël

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