Icône du nouvel Hollywood et de l’underground américain, Dennis Hopper est l’objet d’une foisonnante exposition parisienne. Texte Jean-François Pluijgers, à Paris

Texte Jean-François Pluijgers

Au commencement était le verbe. En l’occurrence celui de Dennis Hopper qui, dans le montage I Remember ouvrant l’exposition que lui consacre la Cinémathèque française, énonce une histoire subjective et elliptique de l’Amérique des cinquante dernières années, de James Dean à Andy Warhol, de Jack Kerouac à Barack Obama. Cette période, l’artiste en a été, plus encore que le témoin privilégié, l’une des figures de marque et de la marge, tant son parcours se confond, depuis un demi-siècle, avec les courants de la contre-culture et de l’underground américains.

Démonstration donc, à travers Dennis Hopper & Le nouvel Hollywood, une exposition qui, au gré d’une scénographie aux articulations multiples, met en lumière un parcours embrassant différentes formes d’expression – du cinéma à la photographie, de la peinture à la sculpture… A quoi elle adjoint divers trésors de l’art contemporain, Hopper ayant, pour l’occasion, ouvert ses collections privées, dont sont issues des £uvres de Rauschenberg, Basquiat, Herms, Mapplethorpe… faisant écho à sa propre pratique artistique.

Un fantasme mouvant

La visite s’avère forcément passionnante, qui orchestre de stimulantes correspondances au gré des cinq espaces balisant un parcours non chronologique, ayant pour fil rouge Hopper, bien sûr, mais encore un Hollywood en forme de réalité et de fantasme mouvant. On s’immisce ainsi pour commencer Dans les marges de Hollywood, salle vouée aux ruptures et subversions. Un extrait de The Last Movie, son crépusculaire second long métrage comme réalisateur y fait écho à un cliché l’associant à John Huston et John Ford; des £uvres multiples, si-gnées Ed Ruscha, Wallace Berman, Annie Leibovitz et beaucoup d’autres y côtoient les témoignages de son voyage dans le cinéma. Un périple mouvementé qui, après des débuts aux côtés de James Dean, dans Rebel Without a Cause, en 1955, suivis de rôles fort estimables dans Giant et autre Gunfight at the OK Corral, le verra bientôt durablement grillé sur les plateaux hollywoodiens, après avoir fait le coup de poing avec Henry Hathaway.

Hopper mettra l’épisode à profit pour peaufiner son jeu auprès de Strasberg, mais aussi nourrir ses passions pour l’art contemporain (sous l’aile bienveillante de Vincent Price, lui-même collectionneur) et la photographie. Une quarantaine de ses clichés, en noir et blanc, retracent l’émergence d’une nouvelle génération, ces Nouveaux mythes d’Hollywood, empruntés ou non au cinéma, que célèbre l’exposition dans un cadre épuré. Jane Fonda, James Brown, Paul Newman, Phil Spector sont quelques-uns de ceux-là, dont les portraits lumineux sont complétés par d’autres, traduisant l’effervescence des sixties, entre émeutes sur Sunset Strip et couple de bikers…

De là à Quitter Hollywood, il n’y a qu’un tour de roues – celles de Captain America et ses acolytes de Easy Rider, road-movie nihiliste réalisé par Hopper, et manifeste de la contre-culture dont le succès ouvrira la porte à une nouvelle génération de cinéastes ( lire par ailleurs). Hopper, lui, tentera l’aventure de The Last Movie pour mieux se fracasser – prélude à une longue traversée du désert cinématographique à laquelle viendra l’arracher Blue Velvet de David Lynch.

Non, du reste, que l’artiste se soit fait imperméable au vacarme l’entourant. Confrontant son £uvre et d’autres, L.A., le vrai visage d’Hollywood apporte le témoignage de la nouvelle sub-culture des banlieues en même temps que celui de l’apparition d’une nouvelle iconographie urbaine. Quant à Exploser Hollywood, on y voit, dans la multiplication des formes et des supports, l’expression du désenchantement ayant succédé à l’utopie des seventies, avec débordements vers les horizons brouillés de l’Amérique de l’après 11 septembre. Les innombrables rôles de bad guys cyniques qu’il aligne désormais n’apparaissent dès lors que pour ce qu’ils sont, des péripéties, au regard de cette volonté d’inlassablement questionner l’Amérique (et le monde). Pour en capter, rebelle ayant une cause, une part de vérité…

Dennis Hopper & le nouvel Hollywood. Jusqu’au 19 janvier 2009 à la Cinémathèque Française, 51 rue de Bercy, 75012 Paris.

www.cinematheque.fr

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