Mai 68 a marqué les esprits d’une génération et orienté le destin des suivantes. Quarante ans plus tard, l’événement fascine toujours. Comme en témoigne le déluge de livres, émissions de télé et rétrospectives en tous genres qui se profile à l’horizon. Petit guide pratique pour se refaire le film d’une révolution qui changea, si pas la face du monde, le quotidien d’une jeunesse assoiffée de liberté.

mai 68 en livres Mai 68 raconté à ceux qui ne l’ont pas vécu

De Patrick Rotman, éditions Seuil, 168 pages.

Les faits, rien que les faits. Evitant de tomber dans la lecture partisane des événements de 68, l’écrivain et réalisateur Patrick Rotman s’attache aux minutes de l’histoire sur laquelle il jette un regard lucide et rigoureux.  » Mai 68 ne doit pas être considérée comme une révolution manquée, puisque ce n’en est pas une, mais comme une réforme réussie« , conclut-il.

La France en 1968

De Serge July et Jean-Louis Marzorati, éditions Hoëbeke, 120 pages.

Mai 68 vu par deux de ses plus ardents protagonistes. Qui sont aussi devenus des gardiens du temple. Ce livre richement illustré de photos de l’AFP défend donc sans surprise, non sans brio, le bilan d’une révolte portée par des idéaux progressistes. Une bible composée de quatre évangiles: vivre en 1968 (l’état de la société à l’époque), l’insurrection, la reprise (le retour à l’ordre) et le monde en 1968 (l’embourbement au Vietnam, l’assassinat de Luther King, etc.). Des images iconiques maintes fois vues mais qui continuent de fasciner.

500 affiches de Mai 68

De Vasco Gasquet, éditions Aden, 208 pages.

La révolution de mai s’écrit aussi sur les murs où fleurissent les affiches et slogans ravageurs. Les étudiants en colère ont le sens de la formule – de « élections, piège à cons » au fameux « il est interdit d’interdire » – et de l’image – l’usine surmontée d’une cheminée en forme de poing dressé, le CRS stylisé brandissant sa matraque… Preuve qu’une révolution politique est d’abord une révolution esthétique. Largement inspirée dans ce cas-ci par les suprématistes russes. Une explosion graphique qui n’a rien perdu de son mordant.

Raymond Depardon 1968

De Raymond Depardon, éditions Points (Seuil).

De Paris aux Jeux Olympiques de Mexico, des manifestations américaines aux meetings politiques, le célèbre photographe était présent sur tous les fronts cette année-là. Il a rassemblé une centaine de photos qu’il commente à la demande du Seuil pour sa collection Points. L’intérêt de ce livre, au-delà du talent de Depardon pour saisir l’instant, tient à la diversité du propos. Depardon ne se focalise pas sur les événements parisiens. Il montre le monde comme il va. Avec ses convulsions, ses farces, ses sourires. De quoi nous rappeler que Paris n’était qu’un point de friction parmi d’autres. 1968, une année presque comme les autres…

mai 68 au cinéma Génération 68

Riche, le programme Génération 68 concocté par la Cinémathèque à l’occasion de Mai 68 est aussi varié: aux côtés de classiques incontournables ( Easy Rider, Zabriskie Point,…), on y trouve de nombreuses raretés et authentiques curiosités. Epinglons F.T.A. (Fuck the Army), de Francine Parker, sur des acteurs anti-guerre du Vietnam – Jane Fonda notamment – en tournée contestataire, Walden, de Jonas Mekas, journal filmé de l’avant-garde new-yorkaise, Grands soirs et petits matins, documentaire tourné caméra au poing par William Klein dans les rues de Paris, ou encore Lions Love, documenteur d’Agnès Varda autour d’un trio de hippies, dont les auteurs de Hair.

Du 1er au 31 mai au Musée du Cinéma (bis), rue Ravenstein 60, 1000 Bruxelles. www.cinematheque.be

Effervescence musicale

Cinq films pour témoigner de l’effervescence musicale de mai 68: le programme proposé à Flagey est résolument en phase avec le bouillon de contre-culture de l’époque. Aux côtés de célébrations du mouvement hippie ( Hair, Woodstock), la sélection navigue entre psychédélisme ( Yellow Submarine) et rébellion ( The Doors). Pour la compléter, I’m not There, le portrait éclaté et inspiré de Bob Dylan que signait récemment Todd Haynes. A (re)voir absolument.

www.flagey.be

mai 68 en musique Traces

Il y quarante ans, Dominique Grange balançait ses habits variétés dans la Seine pour enfiler ceux de chanteuse engagée. Elle sort aujourd’hui un nouveau CD, 1968… 2008, n’effacez pas nos traces! (chez Carterman qui rassemble certaines de ses chansons écrites à l’époque des événements, des titres inédits et deux chansons consacrées à la Commune de Paris. Avec en prime les illustrations de Tardi, son dessinateur de mari.

Street fighting man

En 68, les Beatles chantent Revolution, mais en réalité, ils hésitent. A vrai dire, John Lennon voudrait bien en savoir un peu plus avant de signer (« You say you got a real solution/ We’d all love to see the plan »). Les Rolling Stones par contre sont chauds bouillants. Depuis Londres, Jagger assiste, envieux, aux émeutes de Paris. Il écrit dans la foulée un limpide Street Fighting Man, qui annonce le classique Beggars Banquet (chez Decca).

La rage

Où trouver la contestation aujourd’hui? Pour beaucoup, c’est le rap qui a repris le flambeau d’une musique rebelle. Au milieu des compils opportunistes, voici donc Sous les pavés, la rage (Wagram). Extrait de la présentation: « La question qui consiste à savoir qui sont les héritiers de Mai 68? (…) ne témoigne que des frustrations de quelques leaders d’opinion post-soixante-huitards qui se chahutent leur bout de pavé. » Ekoué de La Rumeur (pas la moins engagée des formations rap ) prend donc les choses en main et compile des titres de 113, Kery James, Rohff…

mai 68 à la télé Arte

La chaîne à vocation culturelle Arte nous reparle de Mai 68 depuis un moment, déjà. Elle a intégré dans sa programmation des tas d’émissions pour célébrer cet anniversaire. Difficile de faire un choix, entre docu-fictions, mini-séries et films en rouge et noir. Epinglons quand même 68, année zéro, (mercredi 30/04 à 21 h) qui interroge Mai 68 et son héritage dans leur dimension européenne, à travers le récit de cinq anonymes. Rendez-vous également sur arte.tv/mai68, où la technologie sert le souvenir: archives, concours, et définitions participatives au menu.

la une

Chez nous, 40 ans après la gronde, que reste-t-il de mai 68? Parce que la Belgique n’a pas été épargnée par la contestation: on a connu le « Walen buiten », la scission de l’université de Louvain et la chute du gouvernement… Notamment. Aujourd’hui, ceux qui veulent bousculer l’ordre établi ne lancent plus de pavés, mais pianotent sur leurs claviers: la rue, c’est le Web 2.0. Bernadette Goffinet et Michel Mees enquêtent. Suit un reportage acheté sur les nouveaux activistes de la lutte écologique.

Questions à la une, le 30/04, à 20 h 20.

PAR LAURENT HOEBRECHTS, MYRIAM LEROY, JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS ET LAURENT RAPHAëL

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