UN AUTRE IRAN DÉVOILÉ – LA SORTIE CONJOINTE DE 2 FILMS DU CINÉASTE IRANIEN ASGHAR FARHADI SOULIGNE LA SINGULARITÉ DE SON REGARD, ÂPRE ET PÉNÉTRANT.

(1) DE ASGHAR FARHADI. AVEC FARAMARZ GHARIBIAN, TARANEH ALIDOUSTI, BABAK ANSARI. 1 H 41. 2004. ED: BRUNBRO. DIST: MELIMEDIAS. – (2) DE ASGHAR FARHADI. AVEC GOLSHIFTEH FARAHANI, TARANEH ALIDOUSTI, MANI HAGHIGHI. 1 H 53. 2009. ED: BRUNBRO. DIST: MELIMEDIAS.

S’il n’est guère connu du grand public, Asghar Farhadi compte néanmoins parmi les cinéastes iraniens les plus intéressants, posant un regard particulièrement pénétrant sur la société persane. Qualités reconnues, d’ailleurs, dans le circuit des festivals, où ses films ont régulièrement été récompensés, de Nantes à Chicago en passant par Berlin, où About Elly, sa dernière réalisation à ce jour, a obtenu l’Ours d’argent en 2009.

A l’instar du Bahman Ghobadi des Chats persans, et quoique dans un registre différent, c’est une facette guère connue de l’Iran contemporain que dévoile Farhadi dans About Elly, puisqu’il s’y attache à la classe moyenne urbaine libérale. Le film suit 3 jeunes couples de Téhéran, amis de longue date, partis avec leurs enfants pour un week-end dans une villa des bords de la mer Caspienne. Aux habitués s’est ajoutée Elly, une jeune institutrice, dont Sepideh, qui a organisé la villégiature, espère qu’elle ne sera pas insensible au charme d’Ahmad, fraîchement divorcé. Les choses suivent peu ou prou le tour escompté, jusqu’au moment où Elly disparaît, laissant tout un chacun désemparé…

Au-delà d’un suspense soigneusement entretenu, About Elly prend les contours d’un fascinant portrait de groupe après l’implosion de son harmonie de façade. Farhadi plonge sa caméra au-delà des apparences, révélant les individus en même temps qu’il décrypte la société iranienne, qu’il s’agisse de la condition féminine ou des hésitations d’une époque balançant de façon incertaine entre timides expressions de la modernité et conformisme. Une franche réussite, transcendée par un exceptionnel groupe d’acteurs (dont l’épatante Golshifteh Farahani, que l’on reverra bientôt dans Poulet aux prunes de Marjane Satrapi).

Composantes souterraines

Réalisé 5 ans plus tôt, Beautiful City, le premier film de Farhadi, témoigne déjà d’un même souci d’explorer une réalité iranienne différente. Le jour de ses 18 ans, Akbar, détenu dans un centre de redressement pour le meurtre de son amie, devient passible de l’exécution capitale, sauf à bénéficier de la grâce du père de la victime; une entreprise à laquelle s’attèlent son ami, A’la, et sa s£ur, Firoozeh. Là encore, l’intrigue, façonnée avec maestria, est l’occasion, pour le cinéaste, d’ausculter la société iranienne, plongeant le spectateur au c£ur d’un système judiciaire et de codes culturels spécifiques, non sans en dévoiler des composantes souterraines -délinquance juvénile, trafic de drogue ou prostitution.

Le résultat est rien moins que fascinant, pour un film austère et réaliste confrontant ses protagonistes à des dilemmes moraux puissants, dont les enjeux ne manquent pas d’interroger le spectateur. Apre et exigeant, sans doute, le cinéma d’Asghar Farhadi se révèle non moins sûrement passionnant et inspiré. A découvrir absolument.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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