Kylian, sur une romancière endettée chargée d’écrire la bio de Kylian Mbappé, le nouveau thriller de Peter Swanson et des phénomènes aériens inexpliqués: notre sélection bouquins de la semaine.
Kylian
Roman d’Anne Akrich. Editioins Gallimard, 208 pages.
La cote de Focus: 3,5/5
La grande affaire d’Anne, c’est comment trouver le moyen de continuer d’écrire. D’ailleurs, son histoire commence par une lettre de son banquier. Parce que la littérature, c’est une poignée de success stories, et une palanquée d’obscurs écrivains sans le sou. En attendant de rencontrer le succès grâce à son art, Anne officie en tant que ghost writeuse, résignée à «écrire des livres pour gagner de l’argent qui [lui] permettrait d’écrire des livres qui ne [lui] permettaient pas de vivre». Cette mère divorcée et sérieusement endettée navigue dans un quotidien aussi contrarié que contrariant, jusqu’à ce que son éditeur surgisse avec un plan parfait: écrire la biographie de Kylian Mbappé. En bonne écrivaine gonzo (du moins en ce qui concerne l’usage de psychotropes), il n’y a que l’immersion qui vaille, elle passera donc les vacances d’été à Bondy sur les traces du jeune prodige, une destination qui bizarrement ne fait que moyennement rêver son fils de 6 ans. Anne trouvera-t-elle grâce à ce role model inattendu vers le chemin de la réussite? Rien n’est moins sûr, sauf à repenser sa vision de la réussite.
Avec ce nouveau roman, Anne Akrich offre une comédie vive aussi absurde qu’acide. Kylian n’est pas juste un divertissement meta qui livrerait ses propres clés de lecture («un personnage de ghost writeuse perdue à Bondy, entre rires et larmes. Un rêve éveillé offrant l’apparence de l’autobiographie et la potentialité du roman», comme le résume le personnage de son ex, le grand romancier national), c’est aussi un roman qui sans en avoir l’air questionne la façon dont la littérature contemporaine, du moins francophone, est tout entière ou presque suspendue à un régime de vérité. «Désormais, les écrivains devaient signer un pacte de vérité, que leur œuvre soit fictive ou non. […] L’allure de la vérité devait entourer tous les récits.» Mais l’allure de la vérité n’est pas nécessairement le vrai, qu’il s’agisse du récit de commande de la ghost writeuse, de sa confession à la première personne, ou du roman de la superautrice qui prête son nom à la narratrice. Elle n’est peut-être qu’une posture de l’air du temps, mais qu’Anne Akrich exploite tout en la disséquant avec malice et perspicacité.
A.E.
Ceux qu’on sauve
Thriller de Peter Swanson. Editions Gallmeister. Traduit de l’américain par Christophe Cuq et Alexis Nolent. 432 pages.
La cote de Focus: 3,5/5
Dans la vie, du moins dans le thriller et dans la trilogie en cours de Peter Swanson, il y a Ceux qu’on tue, et désormais Ceux qu’on sauve (avant peut-être Ceux qu’on aime?). Dans quelle catégorie se situe l’étrange Joan qui débarque dans le bureau de Harry Kimball, devenu détective privé après avoir été viré de la police? Pour le savoir, il faudra lire ce deuxième volet qui verra ce pauvre Harry renouer avec les cadavres, parfois dans le placard, et surtout avec Lily Kintner, jeune, charmante, mais aussi la plus redoutable des tueuses.
S’il faut idéalement lire Ceux qu’on tue (qui ressort en format poche) pour apprécier tout le sel de Ceux qu’on sauve et la relation un peu zarbi des deux protagonistes, ce deuxième volet contient assez de rebondissements, de chausse-trapes et de faux-semblants pour se suffire à lui-même.
O.V.V.
Le Cinquième Diamant
Roman d’Eric Faye. Editions du Seuil, 352 pages.
La cote de Focus: 3/5
Dans l’Oural, des silos de missiles russes se désactivent lors de l’apparition d’une sphère lumineuse orangée. A Hawaï, un couple d’astrophysiciens découvre un nouvel «objet» interstellaire traversant le système solaire. Ce corps céleste pourrait être la réplique du premier visiteur intersidéral repéré en 2017… L’humanité est-elle prête? Oligarques russes «suicidés», escort girl exfiltrée, commissaire flegmatique, ovnis, astrophysique, théories du complot…, Eric Faye multiplie les pistes pour sonder à la fois les mystères liés aux phénomènes aériens inexpliqués et ceux du couple.
Si le volet espionnage échafaude un réel suspense, l’ensemble peine à accomplir son improbable alignement des planètes. «Tu veux vraiment des hackers, des cambrioleurs et des envahisseurs d’Ukraine dans l’Univers?» Finalement, ce roman au prisme audacieux se nimbe d’une étrange aura d’«anomalie». Un peu perdu dans cette galaxie, le lecteur s’interroge: coup du parapluie bulgare ou verre empoisonné à moitié plein?
F.DE.
