Critique | Livres

Retour aux « Sources » familiales pour Marie-Hélène Lafon

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Marie-Hélène Lafon, éditions Buchet-Chastel

Les Sources

128 pages

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Fabrice Delmeire Journaliste

Au cœur du Cantal, dans une belle ferme plantée à Soulages, la narratrice, 30 ans, couve ses trois enfants, mais aussi ses racines et ses silences. Huit ans qu’elle est mariée avec lui. Huit ans à se taire, à faire semblant devant les gens, “sinon ce sera encore le cirque, la corrida”. Tout faire pour endiguer les pensées, chasser les images, leur ressac incessant. Elle repense à son corps d’avant, le vrai, saccagé par les grossesses puis les coups. Et puis “les mots ne lui viennent pas, l’orgueil les bloque. Elle voudrait juste pleurer et dormir, “surtout les nuits dans le lit où il fallait encore servir”. Pour dire la violence domestique “ordinaire” et ses routines abrutissantes, Marie-Hélène Lafon s’appuie sur sa propre histoire familiale au sein de ces “petits pays où tout se sait. En trois chapitres découpés par le labour des jours (un week-end de 1967, une journée de son côté à lui en 1974, un épilogue en 2021), elle enfonce le soc d’une langue pointue. Économe, l’écriture convoque l’évidence d’Antoine Choplin, la sororité d’une Colette Nys-Mazure. On reconnaît chaque bruit, les corps pesants et les gestes lourds. Depuis une cour de ferme, avec une maison à faire tourner, un rang à tenir, les mots aux aguets, aiguisés et précis, claquent comme un fouet et, qui sait, sauvent.

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