Rachel Cusk, Gallimard
Parade
208 pages
Depuis plus de 20 ans Rachel Cusk, de retour avec Parade, s’est imposée comme l’une des voix les plus singulières de la littérature anglo-saxonne.
Sa bibliographie mêle romans et essais autobiographiques, à tel point qu’aujourd’hui, ces matériaux littéraires ne semblent plus faire qu’un dans ses derniers titres, comme c’est le cas dans Parade, roman expérimental qui décline sous de multiples formes la figure de l’artiste tant dans sa relation à son art qu’à sa vie, ses proches, ses pulsions et ses sentiments, toutes ses figures étant nommées par la même initiale, G., mais représentées à travers divers corps, genres et domaines artistiques. On croise un peintre contemporain qui peint son monde à l’envers, un artiste noir dont la couleur semble déterminer sa place dans le monde de l’art, une peintre de la fin du XIXe siècle, une artiste dépassée par la maternité, un cinéaste qui rêve “d’invisibilité autoriale”. Autant d’incarnations offertes au regard scrutateur de la narratrice, que l’on imagine être une projection de Rachel Cusk, autant de supports fictionnels pour déployer une réflexion sur l’art et le genre, mais aussi sur la femme de l’artiste, ou la mort des parents.
“Quand elle rencontrait ses pairs masculins, elle les considérait comme libres, et elle, comme enchaînée”, déplore G. l’artiste mère, tandis que le premier récit se penche sur la femme de G. le peintre, développant des sentiments ambigus quant à ce qu’elle estime être “son obligation vis-à-vis du talent” de son mari. Une parade est tout à la fois un défilé de possibles incarnations, une manifestation ostentatoire (de l’acte de performer la figure de l’artiste), une action défensive en français, une mascarade en anglais. Autant de chemins qu’emprunte Rachel Cusk pour explorer l’être artiste, dans ce nouvel opus âpre mais passionnant.
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