Nos 3 coups de cœur livres: Blandine Rinkel, Oscar Coop-Phane et Joachim B. Schimdt

Blandine Rinkel sort La Faille
Fabrice Delmeire Journaliste
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

La Faille de Blandine Rinkel, Un Arabe d’Oscar Coop-Phane et Kalmann et la montagne endormie de Joachim B. Schimdt: voici notre sélection livres de la semaine.

La Faillede Blandine Rinkel

Stock, 240 p.

4/5

Un mot pour un autre. Ce qui chez le commun des mortels relève du lapsus et en cas de doute le conduit sur un divan finit, pour une autrice, entre les pages d’un livre. Quand elle écrit le mot «famille», la plume de Blandine Rinkel avale le m, l’aplatit, l’élude même pour faire apparaître un autre mot: faille. L’idée tout à la fois d’un gouffre et d’une fêlure, d’un lieu qui avale et qui brise. Les premières pages du livre convoquent le sentiment étrange qui étreint l’écrivaine comme il a pu étreindre son père avant elle, celui de la famille comme un sursis, un moment à passer, dont on se détache inexorablement.

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Le sursis évoque l’enfermement: «Enfants, il arrive que nos royaumes soient la prison de nos parents.» Les enjeux sont posés, quand certains se réfugient dans la famille, cocon protecteur, d’autres y étouffent. Ainsi le monde se divise en deux catégories: ceux qui restent et ceux qui partent. Car finalement, ce que le texte souligne tout au long de sa progression, c’est aussi et peut-être surtout la prééminence de la famille comme facteur d’assignation, comme puissance possiblement inhibante. Rigidité, conformisme, normativité… la famille est ici vue comme des liens qui empêchent plutôt que des liens qui libèrent, comme un groupe autoritaire qui entraîne le «gel de soi», quand pour certains, l’envie est plus forte de clamer «l’indétermination comme un principe de vie».

De livre en livre, la prose de Blandine Rinkel assume son cheminement vers le «je». Ce texte à la première personne revendique lui aussi de se libérer des carcans de l’assignation. Ni roman, ni autobiographie, ni essai, il est une écriture du soi dans le monde. Au-delà d’une pensée du rôle de la famille, La Faille est aussi une lettre d’amour à celui qui partage son goût du départ, une ode à l’amitié, et un carnet de films et de lectures, un texte érudit constellé de notes et de listes, nourri de la vie comme de la fiction. Il nous fait cheminer en riche compagnie pour penser notre propre rapport à la famille, aux côtés de l’autrice, mais aussi de ceux chez qui elle a trouvé un écho à ses propres questionnements, de Franz Kafka à Lionel Shriver en passant par Edouard Louis ou Maggie Nelson.

Un Arabed’Oscar Coop-Phane

Grasset, 192 pages.

4/5

Au village, quand Patrick et Daniel racontent le vol de la vieille, la carte bleue disparue, les esprits s’échauffent au comptoir du Balto. Ancien képi SNCF, Joël a vu passer les 49.3 et les cancers des chanteurs. Claude a des manières et une voiture allemande, tout le monde l’écoute. Fred bat sa femme parce qu’il aime ça. Ils sont une quinzaine, leurs peines et leurs aigreurs s’accordent. On trouve vite un coupable: l’Autre, la Casquette, l’Arabe, comme ils disent. On s’est toujours demandé ce que l’esthéticienne pouvait trouver à cet étranger qui traîne toute la journée, gratte peut-être le chômage… On décide de rendre justice: «On est des hommes ou on n’est pas des hommes?»

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Après Rose nuit, saisissant pot-pourri sur l’exploitation du marché aux fleurs, Oscar Coop-Phane retourne fourrager du côté de la cruauté ordinaire. Ce fait divers dans la France des régions tranche dans le bifteck de vies sans spectacle, sans issue, épaissies par l’alcool. A la manière du film Dupont Lajoie d’Yves Boisset, Un Arabe dépeint sans ciller le mélange de violence et de honte dans la tête du Français moyen un jour de ratonnade. Sec comme un coup de trique, bam bam bam, ça tabasse: «Le réel est trop fort.»

Kalmann et la montagne endormiede Joachim B. Schmidt

La Noire/Gallimard, traduit de l’allemand (Suisse) par Barbara Fontaine, 320 pages.

4/5

«Personne ne veut être le plus bête. Mais quelqu’un doit être le plus bête. Et quand on est comme moi, c’est plus malin de ne pas le nier.» «Moi», c’est Kalmann, le shérif (autoproclamé) de Raufahöfn en Islande, un idiot du village pas si bête que ça, découvert il y a deux ans dans un premier roman noir aussi atypique que jubilatoire. Le revoici d’abord aux USA, sur les traces de son père biologique accompagné de ses «amis chasseurs, super sympas», avec lesquels il va faire la route vers le Capitole un certain 6 janvier, avant de revenir en Islande pour y découvrir le passé communiste de son grand-père en pleine occupation américaine! Le tout en 300 pages souvent très drôles et à la morale évidente: on est toujours le con d’un autre. Un vrai feu d’artifice, surtout vers la fin.

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