Mort de l’écrivain underground et militant russe Edouard Limonov

Edouard Limonov
FocusVif.be Rédaction en ligne

L’écrivain et militant russe Edouard Limonov, réputé pour ses romans sulfureux et la radicalité de ses engagements politiques favorables à l’opposition, puis au Kremlin, est mort mardi à Moscou à l’âge de 77 ans.

« Aujourd’hui, 17 mars, est mort à Moscou Edouard Limonov. Tous les détails seront transmis demain », a annoncé le parti « Autre Russie », fondé par Edouard Limonov, dans un message sur son site internet.

Le député communiste Sergueï Chargounov a confirmé à l’agence de presse publique TASS que l’écrivain était décédé dans un hôpital moscovite, sans préciser les causes. « Jusqu’au bout, il gardait le contact et discutait. On pouvait lui écrire, il avait l’esprit clair », a ajouté Sergueï Chargounov.

En France, Edouard Limonov avait bénéficié d’un important regain d’attention après la parution en 2011 du roman biographique « Limonov » de l’écrivain Emmanuel Carrère. Entre fascination à l’égard de la personnalité provocante de l’écrivain russe et critique de ses engagements ultra-nationalistes, l’ouvrage avait été couronné du prix Renaudot.

Limonov, d'Emmanuel Carrère, paru en 2011 chez P.O.L.
Limonov, d’Emmanuel Carrère, paru en 2011 chez P.O.L.© DR

Ecrivain underground

Né en 1943 à Dzerjink, dans la région russe de Nijni Novgorod, Edouard Limonov, de son vrai nom Savenko,était né d’un père membre du KGB et avait grandi près de Kharkiv, en Ukraine.

Ses premières oeuvres remarquées sont des romans autobiographiques narrant son exil d’URSS, en 1974, vers les Etats-Unis, puis en France. Le premier d’entre-eux, Le poète russe préfère les grands nègres, traduit en 15 langues, raconte ses désillusions au contact de la vie américaine et ses aventures homosexuelles dans les bas-fonds de New York.

Dans les années 1980, Edouard Limonov, francophone, avait vécu à Paris et participé à des revues littéraires, se liant avec plusieurs figures montantes de la littérature. Retourné en Russie dans les années 1990, après la chute de l’Union soviétique, cet auteur aux éternelles lunettes rondes — à la Trotsky — avait fondé un parti d’opposition « national-bolchévique », dont l’emblème fusionnait un drapeau nazi et un marteau et une faucille.

Limonov avait également rejoint des groupes nationalistes proserbes pendant la guerre de Bosnie, où il avait été filmé faisant feu à la mitrailleuse sur la ville assiégée de Sarajevo. Il avait également collaboré un temps avec l’idéologue russe d’extrême-droite Alexandre Douguine.

Virage pro-kremlin

Arrêté en Sibérie en 2001, puis condamné en 2003 à quatre ans de prison pour détention illégale d’armes, Edouard Limonov avait bénéficié d’une libération conditionnelle au bout de trois mois.

Après l’interdiction du parti national-bolchévique, en 2007, il avait crée « Autre Russie » et participé à de nombreuses manifestations réprimées par la police. Le parti avait compté un temps dans ses rangs l’opposant et champion d’échecs Garry Kasparov.

En 2012, la candidature de Limonov à l’élection présidentielle avait été rejetée par les autorités russes.

Sa critique du pouvoir s’était toutefois mue en soutien au Kremlin après la révolution ukrainienne de 2014, qu’il avait vivement critiquée. Il avait par ailleurs soutenu l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie, la même année.

Devenu ensuite chroniqueur pour le journal pro-kremlin Izvestia, Edouard Limonov était apparu ces dernières années lors d’émissions et de débats politiques sur des chaînes d’Etat russes.

Sur la messagerie russe Telegram, le député ultra-nationaliste Vladimir Jirinovski a regretté « une grande perte pour la culture russe, et pour nous tous ».

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