Ia Genberg, Le Bruit du monde
Les Détails
176 pages
Une femme se souvient des relations qui ont compté dans sa vie. Moins pour régler ses comptes que pour faire la paix avec elle-même. Lumineux.
“Cela fait quelques jours que le virus s’est insinué dans mon corps et, au moment où la fièvre grimpe, je suis prise d’une envie de relire un certain roman.” Pas n’importe quel roman donc, mais celui offert 25 ans plus tôt à la narratrice du nouveau roman d’Ia Genberg, qui était alors également malade, par sa petite amie de l’époque, Johanna, comme le rappelle le message affectueux écrit sur la première page de la Trilogie new-yorkaise de Paul Auster. Quelques lignes qui suffisent à raviver le souvenir de cette relation fusionnelle aussi courte que déterminante dans sa vie.
Même si elle n’en prend pleinement conscience qu’aujourd’hui, avec le recul, en faisant l’inventaire des bons comme des mauvais moments d’une histoire d’amour cimentée par une même passion pour la littérature et ses mystères. “La propriété des livres diffère des autres types de propriétés, cela ressemble plutôt à un prêt qui peut cesser à tout moment ou être transféré à d’autres, par exemple dès que quelqu’un témoigne d’un authentique intérêt pour l’œuvre ou l’auteur en question”, s’émerveillent-elles alors.
La valse des sentiments
Mais cette harmonie est fragilisée par des tempéraments antagoniques: sautes d’humeur brutales et volonté de fer pour Johanna, caractère tempéré et indécision chronique pour la narratrice (qui ne donnera jamais son prénom), singulièrement quant il s’agit de concrétiser son rêve de devenir écrivaine. Même si le ver est dans le fruit dès le départ, la rupture n’en est pas moins insupportable. Les opposés ont beau s’attirer, ils cohabitent difficilement. Le temps qui a coulé depuis sous les ponts a écrémé les rancœurs et permet à cette introspection de caresser la nostalgie dans le sens du poil.
“Le moi n’est rien d’autre que cela, le soi-disant “moi”: les vestiges laissés par les personnes auxquelles nous nous frottons”, note-t-elle. Trois autres noms surgissent dans le désordre de sa mémoire. Il y a d’abord Niki, rencontrée à l’université. Bordélique, mytho et attirée par les ténèbres, elle est l’allumette d’une amitié incandescente comme on n’en croise que dans sa jeunesse. Sur fond de climat électrisé par le passage à l’an 2000, il y a aussi ce chanteur-danseur exubérant. “Au moment où je voulais un ouragan, un ouragan s’abattit sur moi”. Cet ouragan s’appelle Alejandro. Un artiste. Pour lui, elle va envoyer balader le copain sage du moment et une vie bien rangée. Mais ne parviendra pas à apprivoiser cet oiseau sauvage qui reprendra sa liberté à la première occasion. Qu’importe, il lui a montré une autre facette, moins cartésienne, d’elle-même.
Avec le dernier portrait, on plonge encore un peu plus profond dans l’intime puisqu’il est consacré à Birgitte, la mère. Ici aussi, la plume magnétique de la Suédoise Ia Genberg cautérise en même temps qu’elle explore les blessures du passé. Le temps a mis un peu de baume sur son cœur meurtri par une mère qui ne s’est jamais remise d’un viol, laissant plus qu’à son tour son mari s’occuper de leur fille.
Un livre-confession poignant qui rend hommage à toutes ces personnes qui traversent furtivement ou durablement nos existences, et y laissent chacune leur empreinte.
Lire aussi | Les 30 romans de la rentrée littéraire d’hiver
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici