Les bons tuyaux de Mathieu Burniat

© Mathieu Burniat
Nicolas Naizy Journaliste

Alors que sort la version webtoon de son formidable album Trap, le dessinateur Mathieu Burniat poursuit son confinement (habituel) concentré sur sa prochaine publication au ton écolo et à l’écoute de pas mal de choses diversifiées.

Trap (version webtoon)

De Mathieu Burniat, éditions Dargaud, six épisodes disponibles sur la plateforme www.izneo.com, le premier est gratuit.

« Je ne connaissais pas le webtoon, qui vient de Corée du Sud, jusqu’à ce que mon éditrice m’en parle. Au départ, je n’étais pas vraiment convaincu par l’idée de lire une BD sur un smartphone. Mais je me suis rendu compte que la lecture d’un webtoon n’avait rien à voir avec la BD. Cela reste des dessins en séquence mais l’oeil agit différemment. Le geste n’est pas de tourner les pages mais de faire défiler du doigt une image en continu (en « scrollant », NDLR) comme un parchemin qu’on déroule de haut en bas. On doit donc instaurer une autre temporalité. Pour créer un suspense, on fait apparaître du noir le temps de répéter le geste plusieurs fois. Le « danger » des BD muettes comme Trap, c’est de les lire trop vite. Ici, en mettant l’accent sur certains détails, on impose une lecture et un rythme qu’on ne peut pas par le papier. L’album suivait un gaufrier assez classique. J’ai donc dû retravailler les bords de case et les enchaînements. J’ai aimé jouer sur des fondus au noir. J’ai même ajouté un petit personnage inédit, me rendant compte qu’il manquait quelques ingrédients pour la compréhension du récit. »

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© DR

Toriko

Anime d’après le manga de Mitsutoshi Shimabukuro. Disponible sur la plateforme de streaming Anime Digital Network.

« Cette adaptation d’un manga est un mélange entre Top Chef et Dragon Ball. On l’a déjà vu avec ma compagne mais on se l’est refait pendant le confinement. Dans un monde imaginaire, les cuisiniers doivent s’associer à des mecs hyper balèzes pour obtenir des ingrédients. Plus la nourriture est difficile à capturer, plus elle est censée être délicieuse. Derrière ça, il y a un petit message écolo mais sans plus. La bouffe est incroyablement bien dessinée. Alors que ce sont des ingrédients imaginaires, on a presque envie d’y goûter. C’est pas très intello, c’est surtout de la baston. Une fois passé le premier épisode, on s’accroche, on s’identifie aux personnages et c’est parti. Dans les animes, je m’attarde beaucoup au dessin, même si Toriko n’est pas le meilleur. Je peux même faire des arrêts sur image pour admirer la qualité de l’animation. Dans One-Punch Man par exemple, elle est super bien exécutée. Je crois qu’ils ne doivent pas se tenir à des délais aussi serrés que pour d’autres séries. »

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© Din Yi’An

La Mort immortelle

De Liu Cixin, éditions Actes Sud.

« Contrairement à la BD que je lis essentiellement sur papier, je lis beaucoup de livres en format numérique. Quand j’écris, je ne lis plus de BD mais ça ne me dérange pas de lire un bouquin en fin de journée. Je suis en train de terminer le troisième tome de la trilogie de science-fiction Le Problème à trois corps du Chinois Liu Cixin. Ça me permet de me réconcilier un peu avec la Chine. J’ai passé quelque temps là-bas quand j’étais designer et j’avais eu du mal à m’y retrouver culturellement. C’est de la hard science-fiction, pas du Star Wars. C’est une sorte d’enquête touchant à la physique quantique et à la relativité. Très intéressant. J’alterne beaucoup les genres dans mes lectures. J’ai eu une période très historique. En plus de la science-fiction, je lis beaucoup d’auteurs classiques. J’ai adoré les soeurs Brontë. J’ai lu L’Idiot de Dostoïevski, mais j’ai préféré Crime et châtiments (disponibles gratuitement sur la plateforme légale ebooksgratuits.com). »

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Kekra

« Pour le moment, je suis assez fan d’un rappeur qui s’appelle Kekra. Il est masqué et dans ses derniers clips, il porte un masque chirurgical. Dans son nouvel album (Freebase, vol. 4), il fait même une douce allusion au confinement. Je crois qu’il a fini de l’enregistrer juste avant qu’il soit mis en place en Italie. J’écoute pas mal de rap, comme Lil Baby ou aussi des Québécois, mais je ne me diversifie pas assez. En ce moment, je fais aussi tourner en boucle la chanson Lying Has to Stop par le duo Soft Hair, formé par Connan Mockasin et Sam Dust (de Late of The Pier, NDLR). Quand je dessine, j’écoute beaucoup de musique. Un de mes musiciens préférés est Robert Wyatt. Parfois, je mets en fond sonore des séries. Dernièrement, j’ai écouté l’intégralité de BoJack Horseman sur Netflix. Premier problème: je suis obligé d’écouter en version française car je ne suis pas assez bon en anglais. Deuxième problème: cette série est super mais elle m’a foutu un peu la déprime. (rires) »

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Les Odyssées

« J’ai écouté pas mal de podcasts de France Inter et de France Culture. La Dispute, par exemple. Mais j’adore toujours Le Masque et la Plume. Même pour la mauvaise fois de ses intervenants. En tant qu’artiste, c’est vrai que c’est parfois chiant d’entendre ta création résumée et détruite en quelques mots. Mais on a besoin des critiques pour filtrer les daubes. Dans cette émission, il y a beaucoup de clash mais je préfère ce clash-là à ceux qui circulent sur les réseaux sociaux ou dans certaines émissions télé. J’ai aussi beaucoup écouté Les Odyssées de France Inter. Laure Grandbesançon y raconte les vies de personnages connus comme Marie Curie, Jane Goodall, beaucoup de femmes notamment. C’est conçu pour les enfants, mais j’ai accroché. C’est un format assez court. Quand j’écris, je n’écoute rien du tout. Quand je dessine, c’est de la musique. Mais quand je fais de l’encrage, je peux écouter de tout. »

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