Leila Guerriero, Rivages
Le Fantôme de Truman Capote
192 pages
Après avoir écrit La Llamada (œuvre de non fiction pas encore traduite, autour de Silvia Labayru, jeune agent de renseignement des Montoneros -guérilla péroniste de gauche- qui sera enlevée et torturée dans le centre de détention de la dernière dictature, mais survivra), la journaliste Leila Guerriero dit qu’elle se sentait « remplie du vide spectral laissé par ce livre ».
C’est bien décidée à cerner davantage un autre « insaisissable fantôme » que Leila Guerriero arrive en résidence littéraire à Palamós (Costa Brava) où Truman Capote s’attela à De sang-froid. Installée dans la chambre-même où il aurait façonné son chef-d’œuvre en 1960, Guerriero sait combien sa tâche sera ardue. Tous les témoins directs sont décédés et beaucoup des traces que Capote aurait soi-disant laissées sont « douteuses, insaisissables« .
Leila Guerriero peut, en revanche, compter sur la correspondance dense (rééditée également par Rivages) de celui en qui elle voit un des premiers influenceurs. À travers son regard, Capote apparaît comme quelqu’un qui savait habilement manœuvrer entre la nécessité de séduire amicalement l’inspecteur Alvin Dewey et celle de manipuler Perry Smith, l’un des accusés, pour obtenir de chacun d’eux des informations. Ce qui rend passionnante l’entreprise de l’autrice argentine -outre la matière aussi géniale qu’ambiguë qu’offre un personnage comme Capote au travail, prêt à tout– c’est aussi qu’elle n’hésite pas à mettre en résonance ses propres méthodes. À commencer par son rituel de la course à pied, en immersion dans ce paysage balayé par le vent dont elle sait qu’il laisse des traces en elle, en écho d’un de ses précédents livres (Les Suicidés du bout du monde). Ou tout l’art, ici, de faire d’un livre deux voix.
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