Critique | Livres

Le livre de la semaine: Bonne nuit Tôkyô de Yoshida Atsuhiro

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Yoshida Atsuhiro, éditions Picquier

Bonne nuit Tôkyô

240 pages

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© Frederic Delchambre
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Yoshida Atsuhiro met en scène une ronde de personnages insomniaques dans la profondeur d’une nuit tokyoïte où s’invite l’insolite, en toute sérénité…

Il plane sur Bonne nuit Tôkyô, le premier roman de Yoshida Atsuhiro traduit en français, un doux parfum d’étrangeté s’accomplissant dans une humeur délicatement allègre. L’auteur y met en scène une galerie de personnages insomniaques, que l’on rencontre à tour de rôle au cœur de la nuit tokyoïte. Il y a là Mitsuki, accessoiriste dans une société de production, et rompue à accéder aux demandes les plus farfelues de réalisateurs -comme dénicher une grappe de biwa bien fraîches en toute fin de saison, à une heure indue et alors que les magasins de nuit se font rares. Kôichi, son amoureux, un rêveur, collaborateur externe au “Projet Action Corbeaux”. Ou Fuyuki Kanako, standardiste de nuit auprès de Tôkyô 03 assistance, et investie d’une mission de la plus haute importance: mettre un téléphone au rebut à… 4 heures du matin, l’opération requérant de “la solennité, comme des funérailles”. Et puis, Ibaragi, brocanteur ayant décrété souffrir de la “maladie de la chauve-souris”, et vivant dans la pénombre d’un bric-à-brac accessible uniquement à la tombée du jour. Sans oublier Shuro, détective traversant la nuit pour aller voir l’un des 500 films dans lesquels jouait son père, le seul dont il ait jamais tenu le premier rôle. Et quelques autres encore, parmi lesquels Matsui, chauffeur travaillant pour les taxis Black Bird, une compagnie dont les voitures ne circulent qu’entre la fin de la journée et les premières heures du matin.

La pièce manquante

C’est ce dernier qui, au volant de son véhicule couleur nuit, d’un bleu sombre proche du noir, va faire le lien entre les autres, compagnon de leurs errances nocturnes recueillant leurs récits d’une oreille bienveillante. Tous sont, l’air de rien, à la recherche de quelque chose en effet, comme la pièce manquante du puzzle de leurs existences solitaires qu’ils s’emploient, plus ou moins consciemment, à compléter. Une quête se déclinant en de nombreuses variations – “Il y avait ceux qui avaient envie de se voir et qui se rencontraient sans se poser de questions. Ceux qui auraient voulu se retrouver mais choisissaient d’attendre. Ceux qui souhaitaient la rencontre mais se l’étaient interdite. Ceux qui désiraient revoir un être qu’ils ne pourraient plus jamais retrouver.” Multitude de possibles que Yoshida Atsuhiro déploie dans un roman polyphonique inspiré, ronde fluide infusant subtilement le quotidien d’insolite et d’absurde, la nuit tokyoïte offrant un écrin apaisant à ses protagonistes. “Tôkyô était une ville beaucoup plus petite qu’on ne l’aurait cru. Les liens entre les gens se tissaient pour toutes sortes de raisons, et à cet égard, la ville offrait un nombre infini de parcours et d’occasions”, professe Matsui. Embarquer dans son taxi, c’est s’en convaincre, tout en se laissant gagner par une absolue sérénité.

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