Critique | Livres

« La Vie heureuse »: la recette du bonheur de David Foenkinos

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David Foenkinos, éditions Gallimard

La Vie heureuse

208 pages

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© National
Fabrice Delmeire Journaliste

Assister à son enterrement pour retrouver goût à l’existence… David Foenkinos importe le rite asiatique pour endiguer le vague à l’âme.

Contacté par une ancienne camarade de lycée, Éric quitte son poste de directeur commercial chez Decathlon pour rejoindre Amélie au sein du cabinet du secrétaire d’État au Commerce extérieur. “Il y a une telle énergie avec Macron. Les gens attendent beaucoup.” Partir à la conquête des marchés étrangers, voilà un nouveau défi tombant à point nommé pour le quarantenaire, à qui l’avenir apparaît sans surprise. Lors d’un déplacement à Séoul pour rencontrer le PDG de Samsung, Éric découvre Happy Life, l’un des nombreux centres proposant de participer à son propre (faux) enterrement. Apparue dans les années 90, la pratique connaît un engouement certain au Japon comme en Corée du Nord. Le concept de ce rituel intime consiste à écrire sa propre épitaphe avant de se recueillir dans un cercueil: “être confronté à la mort pouvait vous permettre de retrouver le goût de la vie”. Transformé par l’expérience, Éric décide alors de tout plaquer pour en importer le concept en France.

Perte de liberté, sentiment de l’éphémère, angoisse existentielle… On ignore dans quelle mesure les mantras relatifs à une quête de sens, largement diffusés durant la crise sanitaire, ont durablement irrigué les strates de la société de consommation. Croquant les vicissitudes de l’époque, les aspirations à changer de vie, le nouveau livre de David Foenkinos prend sa source dans cette quête de réinvention personnelle, tant professionnelle que spirituelle.

La mort vous va si bien

Déjà au cœur de Je vais mieux ou du précédent Numéro deux (portrait virevoltant d’un adolescent qui a failli incarner Harry Potter au cinéma), la question de la résilience et de l’estime de soi est abordée ici de façon plus frontale, moins exaltée. Gagné par la lassitude, au bord du burn out, Éric saisit l’impérieuse nécessité de prendre du recul, de retrouver une adéquation avec ses aspirations profondes. Refusant de ressasser les écueils passés sous l’angle d’un échec plombant, il s’octroie le droit d’écrire un nouveau chapitre, étape nécessaire à la réparation des liens affectifs et véritable antidote au désespoir.

Toujours à son aise sur le terrain du désenchantement, l’auteur de La Délicatesse n’en manque guère lorsqu’il s’agit d’infuser une touche Lost in Translation (ouvertement cité) lors du passage cathartique en Corée. Sur les questions de la sphère intime, des turbulences traversées par le couple, du vivre-ensemble, David Foenkinos réussit plus souvent qu’à son tour des coups à trois bandes où la finesse d’observation avance à pas de velours. Empruntant son titre à Sénèque, bienveillante sans être niaise, cette ode à l’introspection résonne des échos sourds des vagues de burn out pour nous hâter de bien vivre. Ou, pour citer encore le philosophe stoïcien: “C’est quand on n’a plus d’espoir qu’il ne faut désespérer de rien.”

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