Jo Nesbo offre une dernière enquête à Harry Hole, son inspecteur déglingué. Du grand art noir et scandinave, bientôt filmé par Scorsese.
A Oslo, « tout est neuf. Rien n’a changé ». Si ce n’est peut-être Harry Hole, ancien inspecteur de la police norvégienne –« Il était le meilleur. Le pire, et le meilleur ». Harry avait quitté la ville et le pays après l’effroyable Bonhomme de neige qui l’avait vu franchir bien des limites; on l’avait retrouvé dans Le Léopard, le temps d’une enquête thaïlandaise. Mais le revoilà au bercail. Plus sobre, mais aussi plus fatigué, plus abîmé, plus anxieux: il revient pour innocenter son presque fils Oleg, le fils de Rakel, l’amour de sa vie, emprisonné pour un meurtre apparemment banal entre drogués. Oleg aurait flingué Gusto, avec qui il partageait les shoots et parfois les ventes de fioline, la nouvelle drogue qui fait fureur dans les bas-fonds d’Oslo. Une drogue apparue en même temps qu’un mystérieux dealer, d’origine russe mais surnommé Dubaï, et ce alors que « Oslo n’est plus en tête des overdoses en Europe »: la fioline est plus addictive et plus forte que l’héroïne, mais provoque moins d’overdoses. Oleg est-il un assassin? Peut-être. Peut-être pas. Tout est en tout cas en place pour offrir un polar de grande envergure à Harry Hole et ses lecteurs. Happés, dès les premières pages, par la noirceur et l’ambiance crépusculaire de ce nouvel opus: d’évidence, il s’agira du dernier de la série. Harry Hole ira au bout de son enquête, de ses démons et de lui-même: « Je suis resté ce que j’étais. -Pochetron? Traître? – Policier. Simplement policier. Banal et infiniment triste. »
Fantôme ou fantômes?
Les Scandinaves n’ont donc pas dit, au contraire, peut-être, de Harry Hole, leurs derniers mots. Harry Hole, c’est une institution dans le polar norvégien. Il forme avec son auteur Jo Nesbo une paire référentielle de la littérature noire nordique, à l’image de l’Islandais Indridason avec Erneldur et du Suédois Mankell avec Wallander. Un flic dans les canons du genre -alcolo, dépressif, sentimentalement à l’ouest, mais surdoué dans les instincts- et des lieux -silencieux, froids, jamais spectaculaires- mais dont la profondeur et la richesse se creusent de livre en livre, au fil des enquêtes et des épreuves. Jo Nesbo, auteur surdoué et particulièrement atypique (il fut joueur de foot, journaliste économique et chanteur de pop!), a donc le courage d’aller au bout de cette logique, quitte à tuer sa poule aux oeufs d’or. En s’enfonçant dans les bas-fonds d’Oslo, Harry Hole va effectivement se confronter à bien des fantômes: ce dealer que personne ne connaît, ce narrateur qui vient, en double lecture, raconter sa vérité en italique dans le texte et au cours de ses ultimes minutes de vie. Mais aussi tous ces revenants qui hantent Harry Hole, et son auteur, depuis leur première enquête et L’homme chauve-souris. Une vie de morts, de meurtres, d’échecs et de compromission qui ne peut s’achever que par un glas.
L’auteur tire-t-il les mêmes constats que son héros et en a-t-il fini avec les (bons) romans policiers? Heureusement que non: même s’il s’est également mis à écrire des livres pour la jeunesse, l’auteur de polars Jo Nesbo n’en est qu’au début de sa gloire, qui passera, comme tant d’autres, par le cinéma et les adaptations: le film norvégien tiré de son one-shot Chasseurs de tête a été un carton public et critique. Il sera adapté aux USA, où Martin Scorsese a enfin et par ailleurs confirmé l’adaptation du Bonhomme de neige. Nesbo, souvent comparé pour son style à Michael Connelly, sera encore attendu, avec ou sans Harry.
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