Katerina Poladjan, éditions Rivages
Ici, les lions
300 pages
Restauratrice allemande de livres anciens, Helen Mazavian dépasse cette fois Istanbul (où elle a déjà eu l’occasion de travailler et séjourner) pour rejoindre l’Arménie et percer les secrets d’un évangéliaire de guérison de 1710 environ. L’objet est petit, car, souvent en proie à l’incertitude au fil des siècles (jusqu’au tragique génocide de 1915), les Arméniens s’assuraient de toujours emporter leur Bible. À Erevan, tout confronte Helen à ses origines, entre familiarité et altérité: “Mon nom se trouvait soudain phonétiquement en compagnie. Jusque-là, je l’avais porté comme un vêtement inapproprié, comme un chapeau déformé que je n’ôtais même pas pour manger.” Dans ce pays “où on s’inquiète davantage du passé que de l’avenir”, il lui faut apprivoiser un alphabet et une langue, mais aussi une histoire naissante avec Levon (musicien, soldat et fils de sa patronne à l’Institut de recherche Matenadaran) alors même qu’elle a laissé Danil à Berlin.
L’autrice Katerina Poladjan façonne ici avec beaucoup de sensualité et sens avéré des gestes une enquête littéraire et historique parfois constellée de fiction: Helen cherche à se faire une idée des derniers propriétaires de la Bible, a priori deux enfants, Anahid et Hrant, et comble les trous à l’instinct. Poladjan double cette trame d’une quête d’identité qui s’impose à bas bruit chez la protagoniste, gagnée par l’Arménie une rencontre après l’autre… tout comme nous qui finissons acquis à la mélancolie douce de ce beau roman.
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