Critique | Livres

« Humus »: un prix Interallié mérité pour Gaspard Koenig

4,1 / 5
Gaspard Koenig, lauréat du prix Interallié 2023 pour Humus. © Alain Jocard/AFP

Gaspard Koenig, éditions de l'Observatoire

Humus

384 pages

4,1 / 5
Fabrice Delmeire Journaliste

Arthur et Kevin se rencontrent lors de leurs études d’ingénieurs agronomes -“paysans des ingénieurs, tiers état des énarques”. Les deux amis se passionnent pour le rôle crucial du lombric, garant de la fertilisation des sols. Sans humus, plus d’humain, aussi leur population décimée sous les pesticides s’apparente-t-elle à un écocide. Ayant pour héros Henry David Thoreau, Arthur aspire à un idéal d’homme libre. Dans une ferme abandonnée de Normandie, le néorural radicalisé milite pour la résurrection des sols, choisissant la voie du repeuplement des vers par inoculation. Le projet de Kevin s’avère plus modestement commercial: vendre des vermi-composteurs design aux bobos culpabilisés par leur montagne de déchets. Propulsé millionnaire virtuel suite à une levée de fonds surgie de la Silicon Valley, l’entrepreneur écolo à la mode projette de recycler un quart des déchets organiques du pays. Entre les compères, le fossé se creuse irrémédiablement.

Face à l’appauvrissement des écosystèmes par le productivisme agro-industriel, Gaspard Koenig, lauréat du prix Interallié, entame un chant de désobéissance civique. Bifurqueurs dénonçant l’agrobusiness sous les vivats de camarades recrutés chez Danone, militants d’Extinction Rebellion prêts à prendre les armes, marigot médiatique, greenwashing: l’essayiste et philosophe laboure profondément son sillon. Féroce, solide sur le fond comme sur la forme, il mêle parabole écologique et roman d’apprentissage. Consciente du rôle du ver de terre pour fertiliser la vallée du Nil, Cléopâtre lui octroya un statut semi-divin. Elle avait du nez.

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