Critique | Livres

Dans « Tsunami », Marc Dugain imagine l’après-Macron

4 / 5
© Samuel Kirszenbaum

Marc Dugain, éditions Albin Michel

Tsunami

272 pages

4 / 5
Fabrice Delmeire Journaliste

Parcourant le journal intime du successeur d’Emmanuel Macron, Marc Dugain dynamite le roman d’anticipation. Une politique fiction féroce.

J’ai vraiment le pressentiment que les événements vont mal tourner, mais jusqu’où?Alors que la France est dans la rue, Tsunami propose de parcourir le journal intime du futur Président de la République. Une façon de se “confronter à une forme de vérité, sans les accommodements auxquels on cède si facilement. Très à l’aise dans le champ du thriller politique, Dugain (L’Emprise) excelle dans une forme de résonance spectaculaire avec l’actualité la plus brûlante. Sobriété énergétique, consumérisme obsessionnel, scandales sont observés depuis les dorures d’un cynisme triomphant. Entre affaire de stup, espionnage chinois et l’assassinat d’une élue à coups de marteau, le locataire de l’Élysée n’en finit plus de jongler avec les casseroles. Pas question cependant de jouer la montre. Élu après un coup politique, le jeune chef de l’État entend marquer son époque et se démarquer de son prédécesseur: “vieux nourrisson (…) devenu maître dans l’art de conjuguer savoir-faire, faire savoir et faire semblant. Parmi les mesures phares de son quinquennat, il entend promulguer la création d’un passe environnement individualisé: un bilan carbone personnel collecté par algorithme et donnant lieu à un bonus ou malus fiscal. Seul le temps d’utilisation des écrans ne sera pas comptabilisé, renvoi d’ascenseur aux géants du numérique auxquels il a prêté allégeance.

Moi, Président de la République

À l’instar des meilleurs épisodes de Black Mirror, Tsunami renvoie un reflet saisissant et se dévore dans un état de “sidération pragmatique. Celle-là même que son héraut entend distiller quoi qu’il en coûte lors de son discours devant le conseil des ministres. À six mois du rajeunissement des cellules par lequel l’humanité pourra “faire perdurer son inconséquence”, il n’y a plus de temps à perdre dans l’illusion de liberté ou d’esprit critique. L’avènement du métavers consacre l’asservissement volontaire des individus sous cloche digitale. Entre les manifs grondant dans la rue et un conciliabule avec Poutine joué comme une partie d’échecs en mode blitz, Dugain dépeint le résident du Palais de l’Élysée en Narcisse grisé à la coke. En proie aux vertiges de la magistrature suprême, le Mozart de la politique rechigne à s’abîmer dans la contemplation des gens d’en bas. Dirigeant à la baguette, il compose avec un électorat sourd aux grands enjeux du siècle: “Exclue de la fête capitaliste, sans véritables perspectives, cette France-là cultive l’amertume et la rancœur.” Enseignement à distance, voiture autonome, siphonnage de données, objets connectés, livraison par drones… “Ça va? Vous avez réussi à ne pas vous entre-tuer?” Jusqu’ici tout va bien…

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