Critique | Livres

Cinq romans d’Horace McCoy dans une brique de plus de 1200 pages

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© Tom Sturak Collection on Horace McCoy (Collection 1995). UCLA Library Special Collections, Charles E. Young Research Library, U

Horace McCoy, éditions Gallimard

Romans noirs

1280 pages

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Philippe Manche Journaliste

Avec Dashiell Hammett et Raymond Chandler, Horace McCoy (1897-1955) n’est rien de moins que l’une des pierres angulaires du roman noir.

Pour le professeur de littérature américaine à l’Université de Paris Nanterre Benoît Tadié, qui signe l’épatante préface de ce tout aussi exceptionnel volume consacré à l’auteur d’On n’achève bien les chevaux, le moteur de l’œuvre de Horace McCoy était de “mettre au centre de la scène, sous les projecteurs, ceux qui vivent dans l’ombre et le silence, et leur rendre la parole qu’on leur avait confisquée”.

La collection Quarto propose, outre l’imposante préface précitée, cinq des six romans du maître avec une traduction révisée -seul Scalpel, moins inspiré, est passé à la trappe-, onze nouvelles dont huit inédites, parmi lesquelles la pépite Assassiné par le maître, un appendice de ses articles pour le Dallasite ainsi qu’une filmographie complète de sa collaboration avec Hollywood. Horace McCoy, qui se rêvait réalisateur, a collaboré en tant que scénariste à une quarantaine de longs métrages dont les plus notoires sont Gentleman Jim de Raoul Walsh (1942) et Les Indomptables de Nicholas Ray (1952).

Incorruptible

Naturellement intéressé par les inadaptés, les marginaux et les sans-grade, Horace McCoy va leur rendre hommage en trempant sa plume dans l’acide. Ses romans suintent la colère froide contre l’ordre établi et la corruption qui contaminent la société américaine en pleine Grande Dépression. Comme Hammett avec son séminal La Moisson rouge (paru en 1929), C’est de la dynamite, qui retrouve son titre original après avoir été publié sous le titre Pertes et fracas (1953), s’inscrit dans la même veine avec une intrigue prétexte à dénoncer dans cette Amérique d’après-guerre la collusion entre la police, le politique, le monde des affaires et le crime organisé pour maintenir une espèce d’équilibre en place.

© National

On aurait bien envie de vous suggérer de commencer par son premier et plus célèbre roman On achève bien les chevaux (1935), adapté par Sydney Pollack en 1967, sur ce marathon de danse jusqu’à épuisement. Mais si vous voulez vous plonger tête la première, foncez d’abord sur l’autobiographique et prophétique Un linceul n’a pas de poches (1937), paru en français en 1946 à la mythique Série Noire. McCoy y dénonce avec une rage inouïe -qu’on retrouvera plus tard chez Jim Thompson, Frédéric Dard, James Ellroy ou Greg Iles- une Amérique qui n’a pas foncièrement changé 86 ans plus tard: un pays déjà majoritairement polarisé, raciste, homophobe et populiste. Horace McCoy y annonce la Seconde Guerre mondiale et vilipende Hitler et Mussolini à travers son personnage principal, Michael Dolan, qui crée sa propre revue afin d’avoir les mains libres pour dénoncer les scandales de la ville et donne une fameuse leçon de journalisme tout en fustigeant une presse généraliste frileuse et sujette aux pressions des annonceurs. Visionnaire et moderne? Horace McCoy l’était assurément!

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