Critique | Livres

Big Questions

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

ROMAN GRAPHIQUE | En 2005, Des chiens, de l’eau (Actes Sud BD), fable poético-métaphysique d’une étrange âpreté inscrite dans des paysages de fin du monde, instruisait déjà un rapport singulier entre l’homme et le règne animal.

D’ANDERS NILSEN, ÉDITIONS L’ASSOCIATION, 592 PAGES. *****

ROMAN GRAPHIQUE | En 2005, Des chiens, de l’eau (Actes Sud BD), fable poético-métaphysique d’une étrange âpreté inscrite dans des paysages de fin du monde, instruisait déjà un rapport singulier entre l’homme et le règne animal. Rien, pourtant, n’annonçait l’ampleur et l’ambition de Big Questions, opus magnum inscrit dans l’horizon à perte de vue d’une prairie perdue, quelque part entre ciel et terre, où l’Américain Anders Nilsen accouche d’un récit-fleuve aux accents mythologiques autour d’une bande de piafs philosophes. L’irruption d’un oeuf pondu par un oiseau géant balayant les airs (une bombe tombée du ventre d’un avion, en réalité) ne va pas tarder à agiter l’étonnante ménagerie, microcosme qui, enrichi de la présence d’un mystérieux serpent, de sombres corneilles, d’une chouette et même d’un idiot, ne tardera pas à reproduire des mécanismes bien connus de la société moderne: foi aveugle dans l’objet à l’aura peu commune de présent divin, scepticisme, extrapolations, luttes d’influence… Toutes réactions culminant bientôt dans un déchaînement brutal de violence venu dissiper dans la mort et la désolation le mirage des croyances ahuries et des certitudes absolues…

Le temps d’une postface sobrement explicative, Anders Nilsen confie en toute modestie qu’avec cette BD-monde, fascinante parabole sur le mystère, insondable, de ce qui nous entoure, portée par une esthétique noir et blanc superbement limpide et mûrie quinze années durant, il a le sentiment d’avoir enfin réussi à terminer son « tout premier livre ». Et c’est bien de cela qu’il s’agit, en effet: ce récit évolutif puissamment allégorique, aux résonances potentiellement inépuisables, de la naissance, tendre et cruelle, d’une civilisation est aussi, et peut-être avant tout, le récit de la naissance d’un auteur, immense.

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