Alan Moore, Bragelonne
Le Grand Quand
384 pages
Alan Moore, le scénariste de From Hell et de V for Vendetta, définitivement écrivain, inaugure une saga d’ »urban fantasy » se déroulant dans une version alternative, parallèle et un peu boursouflée de Londres.
Avez-vous lu Méditations dans les rues de la métropole, évoquant une longue mais étrange promenade dans Londres, un livre écrit par le révérend Thomas Hampole? Bien sûr que non, puisque ce texte imaginaire n’existe pas -il est juste évoqué dans une nouvelle, Chambre meublée tout confort, écrite par un autre. Ce livre qui n’existe pas, le jeune Dennis Knuckleyard, qui vit et travaille en 1949 dans une librairie d’occasion de la capitale anglaise, en possède pourtant un exemplaire, qu’il vient de dénicher chez un bibliophile lui aussi bien étrange et extrêmement paranoïaque, et pour cause: lui, il sait que ce livre qui ne devrait pas en être un, il l’a trouvé dans le « Grand Quand » , une version parallèle de Londres, dans une autre dimension et une autre réalité qui n’étaient jusqu’ici accessibles qu’à quelques-uns. Un Londres où le temps a été aboli, où toutes les époques se mélangent et où le merveilleux côtoie en permanence le réel. Ici, ce sont les Arcanes, des entités symboliques puissantes et souvent malveillantes, qui règnent sur la ville et ses bas-fonds. Sommé de ramener ce livre qui n’aurait jamais dû quitter le Grand Quand, Dennis, accompagné d’une petite troupe aussi iconoclaste que ce Grand Quand lui-même, se lance donc à l’assaut de ce Nouveau Monde qui menace désormais l’Ancien. De cette quête à travers « les vertèbres secrètes de la ville« , sous « la lumière déclinante de la magie anglaise », on aura, seulement après près de 400 pages, une première impression déjà complexe. Ce Grand Quand n’est que le premier tome d’une ambitieuse saga fantasy qui en comptera au moins cinq, baptisée Long London par Alan Moore, plus anglais, féroce et perché que jamais. Un parfait condensé de ses obsessions, de sa folie créatrice et de son impossibilité à faire simple. Et appelé à devenir, qui sait, la nouvelle saga fantastique anglaise que l’entertainment mondial réclame.
Less is not Moore
Pour les connaisseurs et amateurs d’Alan Moore, pas de surprise et que du bonheur: celui qui a révolutionné le comics adulte pendant 30 ans à coups de « one shots » devenus cultes reste fidèle à lui-même en s’attaquant cette fois à la littérature fantasy. On y retrouve ses obsessions londoniennes (Jack The Ripper n’est pas loin), sa langue châtiée, son goût pour le noir, les intrigues labyrinthiques ou la psychogéographie, son humour féroce, et ses références so british à Moorcock, Catling ou Orwell. Pour tous les autres, ce Grand Quand se lit comme un étonnant mélange d’érudition et d’éléments empruntés tant à Harry Potter qu’au multivers marvelien. Pas étonnant donc que ce soit la maison d’édition Bloomsbury, déjà éditrice des Harry Potter, qui ait signé le contrat de Moore: elle compte bien trouver dans ce Grand Quand sa nouvelle grande franchise.
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